"Salut", "eucharistie", "jugement", "gloire" : les mots de la foi chrétienne nous parlent-ils encore ? En tout cas, beaucoup sont ceux qui, aujourd'hui, ne les comprennent pas. Les mots clés du christianisme sont devenus des "mots usés", regrette Myriam Tonus, auteure de "L’Évangile dans la chair" (éd. Fidélité). L'Évangile serait-il devenu une langue morte ? Comment donner le goût d’aller écouter ou réécouter cette parole écrite de mains d’homme mais dont la portée est insoupçonnable ? En analysant la place du discours et l'usage des mots chez les chrétiens, la théologienne nous ramène à l'essentiel de ce que parler veut dire, ouvrant des perspectives pour l'Église que l'on dit en crise.
"Je suis en grande interrogation en voyant que la foi est en train de s'effacer du paysage des générations qui nous suivent, à une vitesse grandissante." Myriam Tonus consacre la première partie de son livre à une sorte d'état des lieux du christianisme. Elle consate que des mots comme "salut", "eucharistie", "jugement", "gloire", "résurrection", "toute-puissance de Dieu", ces mots du christianisme, sont, pour la plupart sont "usés". Qui sait ce que veut dire saint Paul quand il parle du Christ comme "le premier-né d’une multitude de frères" (Rm 8, 29)* ? La théologienne compare même certaines homélies dominicales à "un jeu de Scrabble" où "on joue avec les mots". "On joue avec les mots mais ça ne nous concerne plus, c'est quelque chose de passé, c'est historique et c'est extérieur à notre vie."
Plus grave encore, selon la théologienne, "tous ces mots ont fini par constituer une sorte de morale". Or "la morale ce n'est pas une bonne nouvelle". "Si l'Évangile doit nous dire ce que nous pouvons faire et surtout ce que nous ne pouvons pas faire, quand nous sommes bons et quand nous sommes méchants, c'est un discours qui est complètement usé."
Dans son livre, Myriam Tonus nous aide à comprendre ce qui différencie un discours sur quelque chose et une parole vivante. Elle explique que le mot hébreu pour dire parole, "dabar", renvoie à l'idée d'une "parole performative", c'est-à-dire une parole qui fait ce qu'elle dit. Dans le Livre d'Isaïe, on peut lire ceci : "Ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission." (Is 55, 11)*
Chacun peut le constater, "il y a des mots qui ont ce pouvoir soit de donner de la vie, soit aussi de donner de la destruction". L'Évangile est une parole "qui agit sur l'être humain", elle laisse un impact. "Les Écritures ce sont des paroles, qui, en principe, si on les entend, si on les reçoit, elles nous font du bien, elles nous donnent du courage, elles nous font grandir." Encore faut-il les "entendre" : n'avons-nous aujourd'hui pas "un rapport de lecteur avec la Bible", ainsi que le suppose Myriam Tonus ?
Le théologien Maurice Bellet (1923-2018) que Myriam Tonus a bien connu, a fait "cette expérience que, dans le fond, on parle toujours de la parole de Dieu, non pas des mots de Dieu, et que si c'est une parole, elle transforme, on l'écoute, on ne passe pas son temps à la lire, à la commenter, à glauser, etc."
(* Source AELF)
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