"Que m'importe, Seigneur, si l'avenir est sombre ? Te prier pour demain, oh non, je ne le puis !" De toutes les phrases de Thérèse que chante Nastasha St-Pier, celle-ci est sa préférée ! Elle qui depuis plusieurs années vit un compagnonnage spirituel avec sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus en est à son deuxième album inspiré de ses poèmes. Après "Thérèse - Vivre d’amour" (2013) elle est actuellement en tournée dans les églises pour "Thérèse de Lisieux - Aimer c'est tout donner". C'est donc dans l'église de la Sainte-Trinité à Paris (IXe arr.) que Thierry Lyonnet rencontre Natasha St-Pier, quelques heures avant son concert.
"Je n'ai pas envie de considérer ces deux albums comme une parenthèse, ils font partie intégrante de ma carrière, ils me touchent, me marquent autant sinon plus que d'autres albums." Natasha St-Pier n'aime pas que l'on mette ses albums "Thérèse" dans la catégorie "musique chrétienne" : "Chrétien, ça excluera les gens des autres confessions, alors que je pense sincèrement que les textes de Thérèse s'adressent à toutes les confessions... Les textes de Thérèse ont la capacité de toucher au-delà de l'Église catholique." Et si elle donne des concerts dans des églises, c'est que, selon elle, "les lieux saints inspirent au recueillement et à l'apaisement : je pense que les gens dans les églises sont prédisposés à entendre les textes, pas que à les écouter".
Avec ses albums "Thérèse", Natasha St-Pier "offre un petit supplément d'âme". "La différence des textes de Thérèse sont cette capacité d'abandon, cette sagesse, et cette foi en Dieu, en la vie, en demain, qui n'est pas partout : il y a de l'espoir chez Thérèse et je pense que notre monde aujourd'hui, ce dont il manque cruellement c'est de spiritualité et d'espoir." La Canadienne déplore l'"amalgame" que l'on fait parfois "entre vie laïque et vie sans spiritualité" et analyse avec aplomb : "Je pense qu'un homme qui a une foi quelle que soit sa foi est beaucoup moins dangereux qu'un homme qui n'a pas la foi. Sous la couverture de laïcité on va brimer la spiritualité."
De son vrai nom Natasha Saint-Pierre, elle est née en 1981 à Bathurst, dans le Nouveau-Brunswick, une province du Canada où vivent beaucoup d'Acadiens, ces descendants des colons français qui ont refusé de se soumettre aux Anglais - Nastaha St-Pier associe au mot "colon" l'image de ceux "qui se relèvent toujours face à l'adversité, qui ne courberont pas l'échine". Enfant précoce, un premier single enregistré à 12 ans, Natasha St-Pier est du genre bonne élève, habituée à être première en tout. En 2001, finir quatrième au concours de l'Eurovision a été synonyme d'échec cuisant : rien de pire que de finir au pied du podium !
Mais elle n'a que 20 ans et va enchaîner les succès. Dans le début des années 2000, elle emplit des salles de plus en plus grandes et "tout va très vite". Si elle vit le rêve de millions d'artistes, elle ne se départ pas de son rêve : devenir infirmière. Mais à 25 ans, elle comprend que cette envie était "égoïste". "Je voulais voir le changement que j'apportais aux gens, confie-t-elle, et en chantant, j'apporte quelque chose aux gens, plutôt à leur âme à leur cœur plutôt qu'à leur corps mais je ne le vois pas. Je n'ai pas la gratitude de l'infirmière qui voit le patient qui arrête de souffrir." Elle ne sera sans doute pas infirmière mais Nastasha St-Pier conserve une admiration sans bornes pour ceux qui s'engagent dans le domaine médico-social.
"J'espère garder un lien avec la vie réelle suffisant pour ne pas devenir cette personne qui ne fait pas partie du même monde que les autres." Installée dans les Landes, Natasha St-Pier vit dans la région d'origine de son mari, Grégory Quillacq, pompier professionnel. Des années précédentes où "tout allait très vite", elle retient qu'il lui manquait quelque chose : "Tout homme aspire à une chose en particulier : savoir à quoi il sert sur terre et pour qui il est là ; moi, ma vie était belle, j'amenais des bonheurs éphémères aux gens mais je ne me sentais pas indispensable, je n'avais pas de raison d'être." En 2015, la naissance de son fils Bixente lui fait découvrir un nouveau sens du mot aimer. Gravement malade, il doit subir à quatre mois une lourde intervention. Natasha St-Pier a raconté cette épreuve dans "Mon petit cœur de beurre" (éd. Michel Lafon).
Quand après un concert la chanteuse reçoit les éloges de ceux qui viennent la voir, bouleversés, il lui arrive de se sentir à la fois "trop petite" pour "porter ça" et en même temps consciente d'une "grande responsabilité dans la vie de ces gens-là". Le bonheur ? "Il se trouve à l'intérieur de nous-même : ce qu'on trouve à l'extérieur, c'est le confort, pas le bonheur."
Parce que chaque visage est unique, le podcast Visages accueille des hommes et des femmes d'une grande diversité : philosophes, aventuriers, personnes engagées dans le développement et dans l'action humanitaire, artistes, religieux, entrepreneurs ... Tous partagent au moins un point commun : l'ouverture et le respect de l'autre dans sa différence. Thierry Lyonnet leur donne la parole pour une rencontre en profondeur.
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