N'a-t-on pas déjà tout dit sur le temps ? Le temps qui passe, l'instant présent, le futur idéalisé... 'L'important c'est de le percevoir de façon toujours nouvelle', nous dit Jean-Marc Bastière, qui après 'Les sept secrets de la prière' (2011), vient de publier 'Les sept secrets du temps' (éd. Stock). Un précis de sagesse qui est 'une sorte de retour à l'évidence, une évidence qui n'est pas si évidente, puisque le miroir est troublé par nos vies trop hâtives, soumises au stress, qui est une pathologie du temps'.
À notre époque du culte de l'urgence, le temps est comme un piège. On espère avoir le temps de lire, de méditer, de contempler, et puis on se laisse prendre car il y a toujours des choses à faire. Ou alors, à l'inverse, pour ceux qui souffrent d'un trop grand isolement, le temps peut sembler affreusement long. Comment faire pour ne pas tomber dans l'angoisse excessive du temps ? 'Le temps est une illusion, à la fois il existe et il n'existe pas' dit l'écrivain, à la suite de saint Augustin.
'Vous avez l'heure, nous avons le temps' dit un proverbe africain. Depuis le XVIIe siècle et la révolution mécaniste, le temps en Occident est devenu celui des gestionnaires et des techniciens. Le temps quantitatif qui s'exprime en langage mathématique et que symbolise le cadran de l'horloge. Reste le temps existentiel, 'celui que nous éprouvons, que nous ressentons en vivant : le temps privilégié des amoureux, des poètes et des mystiques'. Comme l'explique Jean-Marc Bastière, 'le temps est culture'.
Privilégier le temps qualitatif ce n'est pas faire l'impasse sur la morsure du temps. Sans sombrer dans la mélancolie, le temps qui passe - même s'il nous fait souffrir - est le "signe que nous sommes vivants", signe 'de notre humanité' : 'Il ne faut pas vouloir échapper à la souffrance de la conscience du temps qui passe.'
À l'heure où on parle de l'homme augmenté et de l'ambition folle des transhumanistes d'échapper à notre finitude, on peut considérer à l'inverse que nos limites 'nous mettent en rapport avec la plénitude de la vie'. 'Nos limites nous permettent de percevoir l'infini : c'est important, il ne faut pas toujours se plaindre de nos limites, elles ont de grandes vertus également.'
Le temps libre, rappelle Jean-Marc Bastière, c'est ce qu'il y a de plus précieux. Que faisons-nous de notre temps libre ? C'était pour Aristote 'l'une des questions philosophiques les plus importantes'. Un temps pour éprouver le vide ou pour se nourrir intérieurement. 'Sachant que ce que nous vivons n'est pas la totalité du temps et que nous passons toujours à une autre séquence.' Le silence, la lecture, la littérature aident à habiter le temps. 'Pour le temps la Bible est une grande inspiration.'
Habiter le temps c'est aussi faire en sorte d'être prêt pour le kairos, c'est-à-dire pour le bon moment. Le dieu grec Kairos était représenté par un jeune homme que l'on attrape par les cheveux. Avec cette idée de saisir le temps et de ne pas manquer l'occasion d'une belle rencontre, d'une grande réalisation. Cela suppose aussi de 's'ouvrir à l'imprévisible'. À être trop organisé on risque d'être prisonnier du temps...
'Il y a un moment pour tout, et un temps pour chaque chose sous le ciel : un temps pour donner la vie, et un temps pour mourir ; un temps pour planter, et un temps pour arracher.
Un temps pour tuer, et un temps pour guérir ; un temps pour détruire et un temps pour construire.
Un temps pour pleurer, et un temps pour rire ; un temps pour gémir, et un temps pour danser.
Un temps pour jeter des pierres, et un temps pour les amasser ; un temps pour s’étreindre, et un temps pour s’abstenir.
Un temps pour chercher, et un temps pour perdre ; un temps pour garder, et un temps pour jeter.
Un temps pour déchirer, et un temps pour coudre ; un temps pour se taire, et un temps pour parler.
Un temps pour aimer, et un temps pour ne pas aimer ; un temps pour la guerre, et un temps pour la paix.'
(Ec 3, 1-8)
Critique littéraire au Figaro littéraire et rédacteur en chef du mensuel Histoire & Civilisations, Jean-Marc Bastière est également essayiste et romancier. Il est notamment l'auteur de 'Ce n'est pas la pire des religions' avec François Taillandier (2009) et de 'Lazare est de retour' (2010).
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