"Femme de foi, femme d'esprit, femme de solitude, femme de cœur, tout en émotion contenue." Ainsi parle Colette Nys-Mazure de la poétesse Marie Noël (1883-1967), dans son article de la revue Études paru à l'occasion du cinquantenaire de sa mort : "Marie Noël à tombeau ouvert". Passionnée de poésie, elle-même auteure de nombreux essais, Colette Nys-Mazure se nourrit de l'œuvre de Marie Noël depuis qu'elle a 12 ans.
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Elle est l'une des plus grandes poétesses du XXe siècle et cède sa place, dans les collections Itinéraires littéraires ou autres Lagarde et Michard, à des Claudel, des Péguy, des La Tour du Pin et des Francis Jammes. Ses textes pourtant n'ont rien de mièvre, ils sont même "très puissants".
Seul avec Toi, du ciel aspirant tout l'espoir,
De la paix du matin jusqu'à la paix du soir.
Marie NOËL, extrait de À Matines, tiré du recueil "Les Chansons et les Heures"
Ses poèmes témoignent d'une rare maîtrise du rythme et de la métaphore. Des grands artistes, Marie Noël a la vision, le sens des images. Colette Nys-Mazure décrit "un rythme proche des Béatitudes et des Psaumes" où surgit le "frémissement du doute, de la souffrance". La "Fauvette d'Auxerre" écrit : "Quand Dieu a soufflé sur ma boue pour y faire prendre mon âme, Il a dû souffler trop fort. Je n'ai jamais cessé de trembler comme une chandelle vacillante entre deux mondes."
Si vous vous promenez dans les rues d'Auxerre, vous verrez sa statue qui la représente en vieille dame avec son cabas. Une caricature, pour Colette Nys-Mazure ! "On a d'elle une image caricaturale de vieille fille de province." L'image d'une femme aigrie et acariâtre établie dans ses certitudes religieuses : rien n'est plus éloigné de la vraie Marie Noël ! La difficulté de croire se lit dans tous ses textes. Et ce qui est magnifique justement c'est que cette femme que la souffrance et le malheur n'ont pas épargnée témoigne d'une "espérance modeste, humble mais résolue", que l'on trouve dans ce poème de Verlaine : "L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable".
"N'importe quel être humain se retrouve en Marie Noël dès qu'il s'interroge sur le sens de la vie, sur sa place dans le monde, sur ses rapports avec les autres : il est tenté de douter de lui-même, des autres et que cette vie sur la terre ait un sens. Et toujours elle y imprime cette lumière, il n'y a jamais l'obscurité totale."
De son vrai nom Marie Rouget elle a connu la mort de son petit frère alors qu'elle était une toute jeune fille. Et comme c'était la veille de Noël, elle pris le nom de Marie Noël. "Elle avait en elle une inquiétude fondamentale et cette inquiétude a été attisée par cette mort brutale", explique Colette Nys-Mazure. Témoin trop tôt "de l'innocence fracassée" elle a fait alors la "rencontre du mal et du malheur, du malheur que l'on ne peut pas comprendre".
Issue d'un milieu très cultivé, née à Auxerre d'un père athée et d'une mère très croyante, Marie Noël a dû renoncer à l'homme qu'elle aimait. "Elle a beaucoup souffert de cet amour avorté" même si à cette époque on jetait un voile pudique sur les affaires de sentiments. "Toute sa vie elle a eu cette soif d'affection, d'amitié." Et si elle nous rejoint si bien aujourd'hui, c'est qu'elle a eu le talent et la simplicité de dire sa souffrance. Avec "ce don d'enfance, cette capacité d'affronter les ténèbres en y opposant le chant de son poème".
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