Pourquoi la crise actuelle de l'Église ? Pourquoi la défiance que suscite l'Église catholique ? Dans son essai "Catholique en liberté" (éd. Salvator), René Poujol dresse un état des lieux et questionne l'avenir de l'institution ecclésiale. Pendant plus de 30 ans, il a travaillé à la rédaction de l'hebdomadaire Le Pèlerin, dont 10 ans comme directeur de la rédaction (de 1999 à 2009). Un poste d'observation privilégié pour voir l'Église changer. Et mieux comprendre la crise qu'elle traverse.
René Poujol a longtemps été engagé dans la vie de l'Église et la vie associative - la Conférence catholique des baptisé-e-s francophones (CCBF), les Scouts et Guides de France (SGDF), les Semaines sociales de France (SSF). Autant d'expériences qui ont nourri l'écriture de son essai. Un essai pour "décrire" ce qu'il aperçoit "comme étant la crise de l'Église" - crise qui, selon lui, a pour origine des causes profondes et antérieures à la révélation des scandales. Et dont "les problèmes de pédocriminalité" sont les "révélateurs".
Dans ce contexte de crise, peut-on se dire libre et catholique ? C'est bien tout l'enjeu de son texte, dont le titre "Catholique en liberté" résonne pour certains comme une provocation. "Il y a une critique très virulente de certains milieux proches des associations de victimes de prêtres pédophiles, confie en effet René Poujol, on me dit que ce titre est un oxymore : soit on est catholique et on n'est pas libre, soit on est en liberté et on laisse tomber la religion catholique." Lui "essaie" de rester libre et catholique, "depuis 50 ans". De vivre "une liberté ancrée dans la fidélité à l'essentiel de la foi chrétienne".
Dans son essai, René Poujol dresse une sorte d'inventaire et relève les éléments qui ont précipité l'Église dans la crise actuelle. Ainsi, s'il confesse une admiration pour l'encyclique "Populorum Progressio" de Paul VI, il considère également que ce même pape a "confisqué" des sujets comme le célibat sacerdotal ou la contraception avec notamment "Humanae Vitae". Des sujets qui "50 ans après, nous reviennent..." Et si les papes de ces 50 dernières années avaient eu peur ? Peur de toucher à l'intégrité de la foi ? De fissurer l'unité des catholiques ?
Pour René Poujol, "ce n'est pas Vatican II qui a créé la crise, mais c'est peut-être le fait qu'on a essayé de figer l'esprit de Vatican II dans des textes, par peur". Peur de toucher aux dogmes comme de remettre en cause l'autorité du pape. "Je suis un petit peu irrité par toutes ces canonisations de pape un peu systématiques, d'une part je n'en vois pas la nécessité et d'autre part j'en voie le piège." Par exemple, la canonisation de Jean Paul II en 2014 : quel a été son degré d'information au sujet des dérives pédocriminelles au sein des Légionnaires du Christ ? "On ne peut plus poser la question puisque l'Église a fait de lui un saint."
À la suite du théologien jésuite Bernard Sesboué, René Poujol considère que la question qui traverse le catholicisme depuis 2.000 ans est celle de l'inculturation. Pour l'auteur de "Catholique en liberté", "ceux qui ont porté le projet Vatican II ont eu besoin d'une nouvelle inculturation dans une culture moderne, scientifique, technique..." Ce que le pape François tente selon lui de "prolonger".
Seulement, pour que s'opère cette inculturation, il faut "accepter de mourir à un certain nombre de réalités, de structures, d'institutions - c'est ça le génie du christianisme - pour naître à d'autres contextes culturels et reféconder des cultures qui naissent de la parole de l'Évangile". L'essai de René Poujol a-t-il pour objectif de bousculer les catholiques du XXIe siècle ? "C'est la vérité qui libère, ce n'est pas les angoisses identitaires", répond-il. Il précise que ce n'est pas l'Église qui détient la vérité mais que c'est le Christ qui est la vérité.
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