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Robert Scholtus : entre colère et gratitude , la vie d'un prêtre catholique

Un article rédigé par JD - RCF, le 24 octobre 2023 - Modifié le 30 octobre 2023
VisagesRobert Scholtus, Entre colère et gratitude . La vie d'un prêtre catholique

Prêtre du diocèse de Metz et théologien reconnu, Robert Scholtus a dirigé pendant 11 ans le séminaire des Carmes, à l’Institut Catholique de Paris. Il est aussi l’auteur de "Car rien n’est achevé"  (éd. Albin-Michel). Il y aborde des sujets comme le cléricalisme ou l’évolution du statut du prêtre, en questionnant l'Église d’aujourd’hui.

© Patrick Kuhn© Patrick Kuhn

Robert Scholtus a en commun avec le pape François de porter un regard critique sur le cléricalisme et sur l'Église. Entre colère et fidélité, avec une parole libre et un œil lucide, il revient sur ses années de prêtrise, commencées en 1974. 

Être prêtre par "la grâce des autres"

"Je suis devenu prêtre par la grâce des autres : ce sont les autres qui ont fait de moi un prêtre", lance Robert Scholtus. Membre de la génération post-Vatican II, il est ordonné en 1974, dans une Église entre transformations et ouvertures. Un concile pas anodin pour le jeune Robert Scholtus : "c’est dans cette effervescence que je me suis construit : ça correspond à mon adolescence". Si certains observateurs considèrent que le concile Vatican II est à l’origine des maux qui traversent l'Église aujourd’hui, l’intervenant estime qu'au contraire il a permis "un grand optimisme".

"Le prêtre en France se voit condamné à l’invisibilité sociale et à l’insignifiance", déplore Robert Scholtus, qui assure que la figure du prêtre n’est plus la même que dans les années 1970. Malgré ça, il garde espoir grâce à une jeunesse "qui ne sait pas forcément ce qu’est un prêtre mais qui est curieuse, prête à la rencontre et au dialogue".
 
Quoi qu’il en soit, Robert Scholtus se veut être "un croyant discret". Une discrétion qu’il justifie par le besoin de "se mettre en présence et en vérité plutôt que de se mettre en scène". Pour lui, "on ne peut annoncer l'évangile qu’à la manière de Jésus". Au "ton de la harangue et du publiciste", Robert Scholtus préfère proclamer la bonne nouvelle grâce à des échanges en vérité et à des "rencontres profondes qui suscitent des réponses". 


Témoin - de loin - de ceux qui évangélisent sur les réseaux sociaux, Robert Scholtus se dit curieux de voir les fruits que cela porte. "Les réseaux sociaux peuvent aussi permettre de parvenir à une libre parole, à des rencontres, à des échanges, tant que l’objectif n’est pas de se mettre en scène ou de défendre des des positions idéologiques".


 
"Ne pas céder au cléricalisme"

"Je veux être un homme d’évangile sans être un homme d’appareil", écrit Robert Scholtus, qui fait un distinguo clair et net entre institution et religion. Pour lui, "on peut être dedans et dehors en même temps". Le cléricalisme, c’est "quand l’autorité légitime qui vous est confiée par l’institution devient un moyen d’exercer son pouvoir et de perpétrer des abus". Et c’est précisément cette déviance que critique Robert Scholtus. Céder au cléricalisme peut être, dans certains cas, à l’origine "d’une mainmise pouvant aller jusqu’à la perversion et aux abus".
 
Le prêtre alerte : "dans certains cas, on se laisse gagner par le démon du pouvoir et on annihile la liberté des autres". Pour autant, les autres sont indispensables dans la foi : "rarement seul, jamais deux, toujours trois", rappelle Robert Scholtus, pour lequel "échanger avec d'autres personnes à propos de l’écriture est indispensable". L'Église, Robert Scholtus la veut "universelle, sans frontières, sans rivages, immense et vaste". Pour lui, les frontières existent pour être franchies et sont des lieux de passage. Le prêtre invite d’ailleurs à "habiter les ponts" : à cette image, sa paroisse à Metz est un lieu d’accueil "pour ceux qui n’iraient pas ailleurs".
 
Dans l'Église d’aujourd’hui, Robert Scholtus est aussi témoin d’une "jeune milice du grand redressement", à savoir les "prêtres qui veulent redonner à l'Église le statut qu’elle devrait avoir dans la cité". Sans avoir de grief contre eux, Robert Scholtus s’inquiète davantage de "ceux qui portent leur col romain dans le crâne, des prêtres qui donnent l’impression de jouer la messe. L’église n’est pas un théâtre, la messe n’est pas une chorégraphie !". La messe, il tente de la vivre de "la manière la plus authentique possible, en mettant de côté mes tourments sans les négliger".

 

Devenir et rester prêtre aujourd’hui dans une Église qui tremble


"Il ne faut surtout pas chercher à grossir les troupes en recrutant des prêtres partout", alerte Robert Scholtus. Si le déficit démographique de prêtres en France est indéniable, l’intervenant invite à "ne pas se laisser intimider par nos effectifs qui s’effondrent : Dieu n’est pas minoritaire". 


"La révélation du rapport Sauvé a été un séisme intérieur : c'est absolument effroyable". Robert Scholtus voit en ces révélations la manifestation du "cléricalisme dans toute son horreur qui a permis des abus". Ce séisme est cependant un "effondrement salutaire" qui permettra à l'Église de ne plus être un système autoritaire, espère le prêtre. "C’est précisément ce qui s’effondre qui est contraire à l’évangile".  

"Jésus est le chemin, la vérité, la vie". Robert Scholtus s’attache depuis 1974 à mettre ses pas dans ceux du Christ dans la quête de la vérité : "j’essaie de le suivre humblement sur ce chemin. Bien sûr on trébuche, mais le plus important est la ferveur première". Après près de 50 ans de prêtrise, Robert Scholtus s’étonne de n’avoir pas "quitté le navire, d’avoir un peu miraculeusement traversé tout ça". Un chemin qui semble avoir été traversé avec l'aide des autres, grâce à "la communion des saints et la solidarité des vivants et des morts". 
 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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