Un frère et une soeur qui ont marqué l'histoire de l'Europe et du monde en vivant pleinement leur appel à la vie monastique.
L’Église fête sainte Scholastique de Nursie le 10 février. Scholastique est la sœur de saint Benoît. Il s’agit de nouveau de ce que j’ai appelé précédemment un tandem de saints, l’un étant inséparable de l’autre. Dieu aime regrouper ses amis, leur donner de devenir saints ensemble, en se soutenant mutuellement. Je vais donc vous parler aujourd’hui de saint Benoît de Nursie et de sa sœur Scholastique, frère et sœur dans la sainteté.
Nous connaissons beaucoup de détails de la vie de Benoît par le pape saint Grégoire le Grand qui était bénédictin et qui, entre 593 et 594, c’est-à-dire moins de 50 ans après la mort de Benoît, a écrit ses Dialogues sur les miracles des Pères italiens. Il était pape depuis 3 ans et il écrivait ces récits pour se distraire de ses soucis de pape. Le livre II est entièrement consacré à Benoît. Je vous garantis pas une vérité historique complète comme nous le ferions aujourd’hui, mais je pense qu’il est intéressant de se rapporter à ce témoin de la première heure qu’a été le pape Grégoire le Grand.
Benoît et Scholastique sont frère et sœur, probablement des jumeaux, nés vers 480 dans une famille noble chrétienne de la ville de Nursie (Norcia, en italien). Je vous rappelle que la ville de Norcia a été partiellement détruite par un tremblement de terre en 2016 et la vieille basilique dédiée à saint Benoît a été quasiment complètement rasée.
Benoît est un prénom chrétien, Benedetto en italien signifie Béni. Le père est consul et capitaine général des Romains de la région. La maman, quant à elle, meurt peu de temps après leur naissance.
Leur enfance se déroule à Nursie. Leur père destine Scholastique à la vie monastique et Benoît à des responsabilités élevées. Vers l’âge de 15 ans, il envoie Benoît à Rome avec une servante de la maison, une certaine Cyrilla. L’objectif est d’y étudier probablement le droit et les lettres classiques comme tout jeune homme de bonne famille.
À l’époque, Rome est une ville d’un million d’habitants grouillante de vie avec beaucoup de fêtes qui regroupent la haute société. Cette vie romaine choque le jeune Benoît. Il s’enfuit toujours accompagné de Cyrilla pour étudier ne pas tomber dans le vice, l’ambition et la sensualité. Il s’installe à Effide, une petite ville à 80 kilomètres à l'Est de Rome. Il s’y consacre à l’étude de la Bible. Un événement va provoquer un changement radical dans la vie de Benoît. Cyrilla, la servante, casse un vase qu’elle a emprunté en deux morceaux. Elle est désespérée. Voyant cela, le jeune Benoît prend les deux parties de l’ustensile, il prie et le vase est miraculeusement réparé. Le miracle fait grand bruit. Benoît est de nouveau obligé de se sauver, cette fois pour éviter l’admiration excessive des habitants de la ville. Il s’enfuit en cachette, abandonnant Cyrilla. Il cherche un lieu où il pourra vivre ermite, caché du monde. Dans sa recherche, il rencontre un moine appelé Romain. Ce moine lui indique une grotte dans une falaise de la vallée de l’Anio, proche de la petite ville de Subiaco. Benoît s’installe dans cette grotte qui sera plus tard appelée Sacro Speco, sainte grotte. Le moine Romain nourrit Benoît en descendant avec une corde un panier auquel est accrochée une clochette. Dans ce panier, il met aussi des textes qui alimentent la prière de Benoît. C’est aussi ce moine qui lui donne des habits religieux et les ordres mineurs.
Permettez-moi ici un petit commentaire sur Subiaco. C’est un des plus beaux lieux d’Italie qui en compte beaucoup. Cela vaut la peine de visiter le monastère du Sacro Speco qui a été construit au XIIème siècle autour de la caverne qui a abrité saint Benoît. Ce monastère, accroché à la falaise abrupte, est spectaculaire et contient de magnifiques fresques qui relatent la vie de Benoît et de ses premiers disciples. On y trouve aussi le seul portrait de saint François d’Assise fait de son vivant et avant l’apparition des stigmates. Si vous avez l’occasion de visiter ce lieu, vous ne regretterez pas !
Il demeure 3 années dans sa grotte, ignoré de tous, ayant perdu le sens du temps.
Un jour de Pâques, un prêtre des environs a une révélation dans un songe : Dieu lui fait connaître l’existence de Benoît et de sa grotte et l’envoie partager avec lui son repas de fête. Dès lors, ce prêtre parle autour de lui de Benoît et de sa vie érémitique. À partir de ce moment, la présence du saint ermite est donc connue dans les villages des alentours et des personnes commencent à venir le visiter.
Or il y a dans les environs, un monastère qui vient de perdre son père abbé. C’est le monastère de Vicovaro. Les moines demandent à Benoît de devenir leur père abbé. Après avoir d’abord refusé, il finit par accepter sur leur insistance. Mais très vite, ils le regrettent ! En effet, Benoît s’aperçoit que la communauté de Vicovaro n’observe pas sa règle de vie – la règle de saint Pacôme – de manière suffisamment stricte. Il veut rétablir la stricte observance, l’obéissance, les pénitences, etc. Cela ne plaît pas aux moines qui regrettent amèrement de l’avoir élu. Ils décident de s’en débarrasser en l’empoisonnant. Ils mélangent des herbes vénéneuses à son vin. Lorsque Benoît bénit la coupe, elle se brise et il échappe à l’attentat fomenté contre lui. Il décide donc d’abandonner Vicovaro et de retourner dans sa grotte, le Sacro Speco.
Là, des disciples commencent à arriver. Ils veulent suivre l’exemple de Benoît. Parmi eux, deux jeunes gens, saint Placide et saint Maur. Ce sont les débuts de l’ordre bénédictin. Benoît quitte de nouveau sa grotte et s’installe au bord d’un lac à Subiaco avec ses disciples Il construit 12 maisons qui accueillent chacune 12 moines. Lui-même habite une treizième maison et se consacre à la formation des nouvelles recrues.
Relativement à cette période, saint Grégoire le Grand nous raconte différents miracles. Permettez-moi de vous en raconter 3.
Le premier est le miracle de la faucille. Un moine avait été chargé de défricher une zone pleine de ronces, située au bord d’un lac. Travaillant avec ardeur, la partie métallique de l’outil se détacha du manche et tomba dans le lac. Impossible de la récupérer. On appelle Benoît et on lui raconte l’histoire. Prenant le manche en bois, Benoît le plonge dans le lac et prie. Miraculeusement, la faucille rejoint son manche à la plus grande joie des moins présents.
Un autre miracle. Un jour, alors qu’il est en prière dans sa cellule, Benoît a la révélation que Placide, encore très jeune, est tombé à l’eau dans le lac. Il appelle Maur et lui ordonne, au nom de la sainte obéissance, d’aller chercher Placide qui se trouve à un jet de pierre de la berge. Placide court et sans s’en rendre compte, marche sur les eaux, attrape Maur par les cheveux et le ramène indemne sur la berge. Ensuite seulement, il se rend compte qu’il a marché sur les eaux. Quand Maur et Placide racontent l’histoire à Benoît, ce dernier attribue le miracle à l’obéissance dont Maur a fait preuve.
Voici un dernier miracle, important car il explique le départ de Benoît pour le mont Cassin. Il y a, dans la région de Subiaco, un prêtre nommé Fiorentinus qui est pris d’une grande jalousie vis-à-vis de Benoît car il draine tous les chrétiens à lui. Un jour, Fiorentinus tente d’empoisonner Benoît avec un pain. Mais Benoît est prévenu miraculeusement de ses manœuvres et il ordonne à un corbeau d’emmener ce pain dans un endroit où aucun homme ne pourra jamais le trouver. Cela ne décourage pas Fiorentinus qui continue de persécuter la jeune communauté bénédictine en essayant, par exemple, de pervertir les jeunes moines en envoyant 7 femmes païennes nues danser aux abords des maisons des moines. Benoît décide alors de quitter Subiaco pour s’installer en 529 au sommet du mont Cassin qui va devenir le berceau de l’ordre des bénédictins. Le fait que Fiorentinus meure dans l’écroulement de sa maison ne le fait pas changer d’avis. Il laisse l’implantation de Subiaco sous la responsabilité du frère Maur et s’en va au mont Cassin.
Nous avons très peu de détails sur sa vie. Saint Grégoire le Grand en parle peu dans ses Dialogues.
Il semble que Scholastique soit allée à Rome avec son frère, et que comme lui, elle ait été choquée par la vie dissolue qu’elle y a trouvé. Pendant que Benoît s’enfuit à Subiaco, Scholastique retourne à Nursie et entre dans un couvent des environs de la ville. Lorsque la notoriété de Benoît grandit à Subiaco, Scholastique s’installe à proximité de son frère avec des compagnes, fonde un monastère féminin et vit de la règle écrite par son frère. Elle est à l’origine des bénédictines. Lorsque Benoît part pour le mont Cassin, Scholastique le suit et fonde le monastère féminin de Piumarole à proximité du monastère de son frère. Ils décident de commun accord de se voir une fois par an, dans le respect de la règle monastique qu’ils suivent, dans une maison à mi-chemin entre leurs deux monastères.
Benoît quitte donc Subiaco avec des compagnons. Ils cherchent un nouveau lieu pour vivre leur appel monastique. À une centaine de Km au sud-est, ils rencontrent une montagne à côté d’un lieu-dit : c’est Cassino. La région est aride et moins christianisée que Subiaco. Les moines se consacrent donc à son évangélisation.
Au sommet de la montagne, il y a eu un temple païen dédié à Apollon et Jupiter. À cet endroit, Benoît doit faire face à des manifestations démoniaques liées aux idoles encore présentes dans ce lieu. Tout s’arrête avec leur destruction. Avec les pierres du temple en ruine, les moines construisent une chapelle.
Ainsi, par exemple, le démon a rendu une pierre tellement lourde que personne ne peut plus la bouger. Par sa prière, Benoît permet aux frères de la déplacer. Ou encore, pendant la construction, le diable provoque l’écroulement d’un mur qui tombe sur un moine. Celui-ci est gravement blessé. Benoît accourt et prie pour l’infortuné. Immédiatement, il se remet au travail.
Par exemple, il a un charisme de connaissance. Il sait quand un moine a gardé une partie de l’argent qu’il a reçu ou qu’un autre n’a pas suivi le jeûne comme la règle le prévoit.
Il y a un bel exemple de ce charisme avec la rencontre que Benoît doit faire avec le roi ostrogh Totila. Ce roi, ayant entendu la réputation de prophète de Benoît, décide de le mettre à l’épreuve. Il envoie son écuyer Rigo, revêtu de ses vêtements et de tous les signes de royauté, au-devant de Benoît. Mais ce dernier n’est pas dupe. Alors que Rigo est encore loin, il lui crie : « Mon fils, laisse là ce que tu portes : ce n'est pas à toi. » Lorsque Benoît rencontre le vrai Totila, il lui reproche sa cruauté au combat et prophétise la fin de son règne dans 9 années.
Le dernier qu’il réalise avant sa mort se fait dans le Latium (c’est-à-dire la région de Rome) près de la ville de Terracine. Il envoie pour ce faire un groupe de moins auxquels il promet sa présence le jour où ils devront faire les plans du monastère. La nuit qui précède le jour dit, le père responsable du groupe de moines et son second reçoivent en songe tous les renseignements promis. Cependant ils attendent la venue de Benoît pour commencer. Celui-ci leur fait dire :
Ne vous suis-je pas apparu à l'un et à l'autre pendant votre sommeil et ne vous ai-je pas désigné chaque endroit ?
Juste avant leur mort, ils ont eu leur rencontre annuelle qui a été tellement particulière qu’elle nous est racontée par saint Grégoire le Grand et que c’est finalement la seule anecdote que l’histoire nous a laissée à propos de sainte Scholastique.
Le frère et la sœur se rencontrent donc début 547 pour leur rencontre annuelle. Scholastique, ayant peut-être le pressentiment que c’est leur dernière rencontre sur cette terre, demande à Benoît de prolonger leur échange, mais il refuse argumentant de l’observation de la règle. Scholastique s’adresse alors au Christ et lui demande cette prolongation. Le Christ écoute sa prière. En effet, arrive alors un terrible orage qui les empêche de rentrer dans leurs monastères respectifs. Benoît est mécontent et le fait savoir à sa sœur. Elle répond : « Je t'ai supplié et tu ne m'as pas écouté, j'ai supplié mon Dieu et lui a entendu ma prière. » Ils restent donc bloqués dans ce lieu et peuvent partager des choses spirituelles toute la nuit. Grégoire le Grand qui nous transmet cette anecdote conclut : « Dieu est amour, c'est donc par un juste jugement que celle-là fut plus puissante qui aima davantage. »
Peu de temps après, le 10 février, Scholastique rend son âme à Dieu et Benoît la voit monter au ciel sous la forme d’une colombe. Le mois suivant, le 21 mars, Benoît meurt à son tour. Le frère et la sœur sont enterrés l’un à côté de l’autre dans l’abbaye du Mont Cassin.
La sainteté de Benoît est reconnue tant par les catholiques que par les orthodoxes. Il est considéré comme le père du monachisme occidental. Il a été déclaré patron de l’Europe par saint Paul VI en 1964 à l’occasion de la consécration de la nouvelle abbatiale du Mont Cassin, reconstruite après les destructions de la seconde guerre mondiale.
Je voudrais maintenant me pencher sur l’apport de saint Benoît à la vie de l’Église et du monde. Je vous rappelle ma conviction profonde : Dieu utilise les saints pour nous parler, pour répondre aux crises que nous traversons, pour nous faire avancer sur des chemins nouveaux. Avec saint Benoît de Nursie, Dieu a trouvé un instrument de choix et nous vivons encore aujourd’hui des apports que nous avons reçu de celui qu’on a appelé « le père du monachisme occidental ».
L’héritage que Benoît a laissé à l’Église, c’est avant tout sa règle de vie monastique : la règle de saint Benoît.
Au début de mon cheminement spirituel, peu après ma conversion, j’ai été aidé par deux personnes de l’ordre bénédictin : un moine, le père Philippe Verhaegen, et une religieuse, sœur Marie-André Houdard. Tous les deux me parlaient de leur règle, la règle de saint Benoît, avec à la fois un grand amour et une profonde admiration. Pour eux, elle était un véritable trésor. Ils m’expliquaient qu’elle était un chef d’œuvre d’équilibre, de charité, de pondération, de souplesse, de sobriété : un idéal de vie en communauté et un vrai chemin vers la sainteté pour qui voulait bien la suivre. C’est quelque chose d’admirable qu’une règle écrite entre 530 et 556, c’est-à-dire il y a quasiment 1.500 ans, ait soutenu la vie de tant de moines et de moniales et continue de le faire aujourd’hui. Elle est indémodable parce qu’elle rejoint l’homme dans son identité profonde. Elle a inspiré l’ordre de Cluny, disparu aujourd’hui, et celui de Cîteaux, les cisterciens fondés à la fin du XIème siècle et les trappistes qui sont nés des cisterciens au XVIIème siècle. Des milliers d’hommes et de femmes de tous les continents suivent encore aujourd’hui cette règle dans le monde.
Permettez-moi de souligner quelques points de cette règle.
Saint Benoît ne parle pas de vœu dans sa règle, mais de promesse faite devant tous. Il décrit l’engagement du moine de la manière suivante :
« Avant d’être reçu, il [le moine] promettra devant tous, dans l’oratoire, stabilité, vie religieuse et obéissance, en présence de Dieu et de ses Saints. »
Remarquez que l’engagement du moine implique la stabilité, c’est-à-dire qu’il est attaché à une abbaye et qu’il s’engage à y passer toute sa vie. Elle comporte aussi l’obéissance dont je parlerai plus loin lorsque nous aborderons le thème de l’autorité selon Benoît.
Benoît organise la vie du moine suivant 3 axes centrés sur la prière :
En ce qui concerne l’office divin, Benoît innove. De son temps, il y avait des moines qui s’obligeaient à lire la totalité du psautier (soit les 150 psaumes) tous les jours. Cela pesait sur la journée et les empêchait de se livrer à beaucoup d’autres activités, en particulier au travail. Benoît organise la prière des moines en répartissant les psaumes jour après jour afin que la totalité soit priée sur une semaine. Il organise la journée de prière en 8 différentes heures qui se répartissent comme suit : Une heure pendant la nuit et 7 pendant le jour :
Saint Benoît explique dans sa règle la raison de cette répartition des heures de prière qu’il voit comme une louange incessante que les moines adressent à Dieu. Il écrit au chapitre 16 :
Le Prophète a dit : “Sept fois le jour j’ai chanté tes louanges” (Ps 119, 164). Nous remplirons aussi nous-mêmes ce nombre sacré de sept, si aux Laudes, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres et Complies, nous nous acquittons les devoirs de notre service. Car c’est à ces heures du jour que s’applique la parole : “J’ai célébré tes louanges sept fois le jour”, comme c’est au sujet des Vigiles de la nuit que le même Prophète a dit : “Au milieu de la nuit, je me levais pour te louer” (Ps 119, 62). Offrons donc à ces Heures-là nos louanges à notre Créateur…
Derrière cette prescription de sa règle, Benoît montre que son but est de vivre dans la louange perpétuelle. Il désire que la louange soit l’attitude continuelle des moines. Il veut ainsi mettre en pratique l’exhortation que saint Paul adresse aux Thessaloniciens
Restez toujours joyeux. Priez sans cesse. En toute condition soyez dans l’action de grâces. C’est la volonté de Dieu sur vous dans le Christ Jésus.
(1 Thes 5, 16-17)
On le voit, Benoît est fidèle à tradition monastique que veut que la prière soit le cœur de la vie de tout moine. Il demande aussi que chacun ait une vie de prière personnelle à travers la méditation de l’Écriture.
Enfin, il prévoit que chaque moine travaille. La règle affirme :
L’oisiveté est ennemie de l’âme. Les frères doivent donc consacrer certaines heures au travail des mains et d’autres à la lecture des choses divines. C’est pourquoi nous croyons devoir régler comme il suit ce double partage de la journée.
On dit que la devise des bénédictins est « Ora et labora » c’est-à-dire « Prie et travaille », mais cette devise n’est pas de saint Benoît.
Vous connaissez certainement l’expression « c’est un travail de bénédictin », ce qui signifie un travail intellectuel, long et minutieux. Ce n’est pas par hasard que cette expression existe. Elle consacre la réputation de travailleurs fidèles et minutieux que les moines bénédictins se sont acquis au long des siècles en suivant la règle de leur fondateur.
Nous sommes redevables en particulier aux bénédictins, et donc indirectement à saint Benoît, pour leur travail de copistes et défrichement.
Ce sont les moines bénédictins qui ont réalisé sur parchemins des copies de la Bible, des textes des Pères de l’Église, mais aussi de Cicéron, de Jules César, de Tacite et des grands écrivains de l'Antiquité – ce qui faisaient des abbayes de l’époque des centres culturels que certains n’ont pas hésité à appeler « des refuges de la civilisation occidentale ». C’est grâce au travail minutieux des moines que nous sont parvenus tant et tant de textes de l’antiquité chrétienne et non chrétienne.
Il y a aussi le travail de défrichement réalisé par les moines qui a contribué au développement de l’Europe, à la stabilisation des agriculteurs. Et je ne vous parle pas des produits fabriqués dans les abbayes comme le fromage, la bière, les remèdes à base de plantes médicinales, etc. Le travail des moines a apporté un énorme plus aux connaissances de l’humanité.
Benoît place la communauté bénédictine sous l’autorité d’un abbé.
Il est intéressant de noter que Benoît institue un contrôle de cette autorité qui est elle aussi soumise à la règle. La description des qualités que doit réunir l’abbé du monastère est très longue : l’abbé tient dans le monastère la place du Christ, il doit agir comme un père, ne préférer personne, être un modèle pour tous ses moines, veiller à la sainteté de chacun en corrigeant ou en encourageant.
Benoît prévoit aussi que l’abbé est élu par ses frères. Il fait là œuvre de pionner car ce processus d’élection qu’on pourrait appeler « démocratique » se démarque de la société dans laquelle Benoît vivait qui n’était en rien une société démocratique. Il est basé sur la conviction que Dieu conduit l’élection et que l’élu sera celui que Dieu a choisi. Ce processus électif est celui que l’Église respecte et encourage dans toutes les communautés aujourd’hui.
Il insiste plus sur l’obéissance que sur les mortifications corporelles. Pour lui, l’obéissance est la bonne mortification car elle atteint la volonté du moine, c’est-à-dire son moi profond. Elle l’aide à devenir humble.
71.Le premier degré d’humilité est l’obéissance sans délai. Elle convient à ceux qui n’ont rien de plus cher que le Christ. Mus par le service sacré dont ils ont fait profession, par la crainte de l’enfer et par le désir de la gloire de la vie éternelle, dès que le supérieur a commandé quelque chose, comme si Dieu lui-même en avait donné l’ordre, ils ne peuvent souffrir de délai dans l’exécution. C’est d’eux que le Seigneur a dit : “Dès que son oreille a entendu, il m’a obéi” (Ps 17, 45 ). Et il dit de même à ceux qui enseignent : “Qui vous écoute, m’écoute” (Lc 10, 16).
72.Ceux donc qui vont ainsi, abandonnant aussitôt leur intérêt et renonçant à leur volonté propre, quittent ce qu’ils avaient en mains et laissent inachevé ce qu’ils faisaient. Ils suivent d’un pied si prompt la voix du commandement que, dans l’empressement qu’inspire la crainte de Dieu, il n’y a pas d’intervalle entre l’ordre du supérieur et l’action du disciple, les deux s’accomplissant au même moment. Ainsi agissent ceux qui aspirent ardemment à la vie éternelle.
L’obéissance, comme vous le voyez, est vue comme un chemin pour aller au ciel parce qu’elle relie directement le moine à Dieu : c’est à lui qu’il obéit quand il obéit à son supérieur. Cela nécessite un regard de foi pour voir dans son supérieur la présence de Dieu. C’est une des clefs de l’obéissance monastique.
Cela peut aussi être une clef pour nous. Si nous disons vouloir obéir à Dieu, nous devons chercher quand il nous parle. Il utilise rarement une voix qui vient du ciel pour nous intimer de faire ou de ne pas faire quelque chose. Dieu aime utiliser des intermédiaires qui, eux, peuvent nous parler. On peut donner beaucoup d’exemples. Si ma femme ou mon mari me demande quelque chose, en obéissant sans rechigner, je peux obéir à Dieu. Si mon curé décide quelque chose pour la paroisse dont il est responsable, j’obéis à Dieu en suivant ses instructions. Etc. Il y a beaucoup de manières de vivre l’obéissance en tant que laïc vivant dans le monde.
Benoît insiste aussi beaucoup sur l’importance de l’accueil dans le monastère. Il écrit : « Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ. » C’est vrai en particulier pour les pauvres et les pèlerins. La règle prévoit qu’on conduise les hôtes à la prière pour leur édification. Un détail que je trouve touchant : si un hôte arrive pendant un temps de jeûne, il est demandé à l’abbé de rompre le jeûne pour accompagner son hôte. De nouveau ici, nous voyons combien Benoît donne la primauté à la charité plutôt qu’aux mortifications corporelles.
Comme je l’ai déjà évoqué, saint Benoît a été proclamé patron de l’Europe par Paul VI en 1964 à l’occasion de la consécration de la nouvelle abbatiale du Mont Cassin.
Il est intéressant d’étudier les raisons évoquées par le saint Pape qui justifient le choix de Benoît comme patron de l’Europe. Ces raisons sont multiples.
Nous touchons ici aux racines chrétiennes de l’Europe. Nous voyons aussi quelque chose qui, personnellement, me passionne : j’ai la conviction que les saints changent le monde. L’exemple de Benoît illustre de manière admirable cette conviction.
C’est par sa sainteté que Benoît a pu mériter le titre de patron de l’Europe, lui que le pape Pie XII avait déjà appelé « père de l’Europe » parce qu’il a « inspiré aux peuples de ce continent le souci amoureux de l’ordre et de la justice comme fondement de la vraie vie en société. »
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