Ce jeune aristocrate a consacré sa vie à l'éducation des enfants pauvres et il a révolutionné la pédagogie de son temps.
Jean-Baptiste de la Salle naît à Reims, en France, le 30 avril 1651 dans une famille noble. Il est l’aîné de 11 enfants. Selon la coutume de l’époque, il reçoit la tonsure à 11 ans et est nommé chanoine de la cathédrale de Reims à 16 ans.
Jean-Baptiste est encore jeune lorsqu’il perd ses parents. Comme aîné de famille, il doit s’occuper de la gestion des biens familiaux tout en étudiant la théologie à la Sorbonne et au séminaire Saint Sulpice de Paris. Il est ordonné prêtre le 9 avril 1678. Il a 27 ans. Deux ans plus tard, il obtient son doctorat en théologie.
Entre temps, en 1679, se déroule un événement providentiel qui va orienter toute la vie de Jean-Baptiste. C’est la rencontre avec un certain Adrien Nyel qui vient à Reims pour y développer les écoles gratuites de garçons. Jean-Baptiste de La Salle est touché par le projet d’Adrien et il l’accueille chez lui pour faciliter la réussite de cette mission. Adrien Nyel fait découvrir à Jean-Baptiste la situation des enfants pauvres. Il est ému de compassion par la misère de ces enfants qui paraissent « si loin du salut », selon sa propre expression. La plupart d’entre eux n’ont pas accès à l’école et n’ont aucune espérance ou perspective d’amélioration de leur situation. Ces enfants, remarque Jean-Baptiste, sont le plus « souvent laissés à eux-mêmes et mal élevés ». Il décide d’ouvrir une première école gratuite pour garçons pauvres. Il rassemble autour de lui des hommes animés du même idéal de service pour l’éducation de la jeunesse pauvre.
En 1682, c’est de nouveau la famine en France. Les maîtres des écoles gratuites se plaignent auprès de Jean-Baptiste. Cela provoque un déclic, une véritable conversion chez Jean-Baptiste de La Salle. Il décide de partager ses biens et de renoncer à son canonicat et à tous ses privilèges. Il renonce à son poste de chanoine en faveur d’un prêtre pauvre et il distribue ses biens aux pauvres ; il ne les destine pas à la fondation de l’institut, il veut dépendre entièrement de la Providence. Il explique son geste de la manière suivante : « J’ai la bouche fermée et je ne suis point en droit de leur tenir le langage de perfection que je leur faisais sur la pauvreté si je ne suis pauvre moi-même ; ni sur l’abandon à la Providence, si j’ai des ressources assurées contre la misère ; ni sur la parfaite confiance en Dieu, si un assez bon revenu m’ôte tout sujet d’inquiétude. »
C’est donc le désir de vivre pleinement l’Évangile qui pousse Jean-Baptiste à tout quitter : il veut être pauvre avec les pauvres pour être crédible des pauvres ; il veut être pauvre pour s’abandonner à la divine Providence dans une entière confiance. Faut-il vous dire que sa famille ne comprend évidemment pas ces décisions radicales ? Entre temps, Jean-Baptiste emménage avec ses professeurs. Il faut comprendre le caractère exceptionnel de cette décision. En effet, les professeurs sont en fait des pauvres qui se forment pour devenir éducateurs. Jean-Baptiste, lui, fait partie des privilégiés, des riches. Il avoue plus tard à propos de cette époque de sa vie :
Je ne pensais nullement (aux écoles)… Si même j’avais cru que le soin de pure charité que je prenais des maîtres d’école eût dû jamais me faire un devoir de demeurer avec eux, je l’aurais abandonné. Car, comme naturellement, je mettais au-dessous de mon valet ceux que j’étais obligé d’employer aux écoles, la seule pensée qu’il aurait fallu vivre avec eux m’eût été insupportable…
Cette phrase est assez terrible : « je mettais au-dessous de mon valet ceux que j’étais obligé d’employer aux écoles », en d’autres termes, au départ, il a plus de considération pour son valet que pour ces pauvres hommes qu’il essaie de transformer en maîtres d’école. Nous voyons le parcours de conversion que Jean-Baptiste a dû suivre pour lutter contre ses préjugés sociaux, hérités de sa famille et de la société de son époque, pour commencer la vie commune avec ceux qui allaient devenir ses frères. Ce groupe de professeurs qui habitent avec Jean-Baptiste de la Salle devient le noyau d’une nouvelle institution : les Frères des Écoles Chrétiennes. Il s’agit d’hommes laïcs qui vivent une forme de vie consacrée. Jean-Baptiste écrit pour eux une sorte de règle. En 1692, il ouvre un noviciat à Vaugirard qui est aussi un lieu de formation pédagogique pour les frères avant de les envoyer enseigner dans les écoles.
Jean-Baptiste de la Salle est révolutionnaire pour son époque à plus d’un titre. Avec les Frères des Écoles chrétiennes, il va transformer radicalement la pédagogie et lui faire faire un pas de géant vers la modernité.
Voici quelques éléments de modernité qu'il apporte dans l'éducation :
- Ses écoles primaires sont complètement gratuites ; peu importe si les parents peuvent ou ne peuvent pas payer les frais de scolarité ;
- l’enseignement devient simultané. Qu’est-ce que cela signifie ? Précédemment, les maîtres s’occupaient d’un enfant à la fois, et laissaient les autres inactifs dans l’attente de leur tour. Dans les classes des Frères, les élèves sont groupés par niveau comme nous le voyons aujourd’hui dans nos écoles ;
- l’accent est mis sur la formation pédagogique des maîtres une grande nouveauté. Il les appelle « séminaires pour les maîtres de la campagne » ;
- l’enseignement n’est plus basé sur le latin. Les enfants apprennent à lire dans leur langue maternelle, le français.
- il organise d’écoles du soir et du dimanche pour les jeunes travailleurs ;
- l’enseignement est tourné vers la vie active des jeunes futurs travailleurs. Il s’articule autour de 4 piliers : lire, écrire, calculer, dessiner. Les exercices s’inspirent des besoins du monde du travail (petit commerce et artisanat).
Jean-Baptiste de la Salle est aussi un des premiers à avoir institué des centres d’accueil et d’apprentissage pour délinquants ;
- il insiste aussi sur l’importance de connaître l’enfant : Jean-Baptiste de la Salle s’intéresse au milieu social et familial des enfants de ses écoles. Il invente une pédagogie active dans laquelle l’élève participe à sa propre formation. Il demande aux maîtres d’école de faire des efforts, de poser des questions ;
- il veut que les élèves participent activement à la vie de l’école… Il établit donc des services que les élèves sont appelés à rendre.
Clairement, Jean-Baptiste de la Salle est en avance sur son temps. C’est une caractéristique des saints : ils sont toujours en avance sur leur temps ! Il rencontre donc l’opposition des enseignants institués, des curés et des évêques qui ne comprennent pas. Il doit faire face au pillage de ses écoles, on lui intente des procès, il reçoit des condamnations. Commence alors pour lui ce qu’on a appelé « la nuit du doute ». Il ne voit plus la volonté de Dieu. Il quitte Paris et circule en France et visite différentes écoles. Il est à Parménie dans le Dauphiné quand il reçoit une lettre des frères de Écoles chrétiennes de Paris. Ceux-ci le convoquent au nom du son vœu d’obéissance à l’institut de revenir à Paris et de prendre sa charge de supérieur de l’œuvre. Il obtempère et il dirige l’institut pendant encore treize années. Épuisé par ses labeurs et ses austérités, Jean-Baptiste de la Salle meurt à Saint Yon, près de Rouen, le Vendredi saint 7 avril 1719, 23 jours avant d’atteindre son 68ème anniversaire. Ses dernières paroles sont : « J'adore en toutes choses la conduite de Dieu à mon égard. »
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