Tous japonais, jésuites, franciscains et laïcs, ils ont donné leur vie pour le Christ à Nagasaki
L’évangélisation du Japon a commencé avec les Portugais en 1542 au moment même où François-Xavier débarquait en Inde. En 1549, François-Xavier arrive au Japon. Il se met à évangéliser avec grand succès, ce qui suscite évidemment l’opposition des bonzes.
Le daimyo de Satsuma est favorable dans un premier temps à la nouvelle religion, mais change d’avis et publie un édit contre le christianisme. Cela ralentit fortement les conversions et François-Xavier quitte finalement le Japon en septembre 1551.
Après son départ, des communautés chrétiennes se forment dans les villes de Hirado, Omura et Nagasaki. Certains bonzes se convertissent. En 1582, on évalue le nombre de chrétiens à 200.000 répartis dans 250 églises.
En 1582, Hideyoshi, un nouvel empereur arrive. D’abord favorable aux chrétiens, il change d’avis sous la pression des bonzes et publie un édit de persécution en 1587, mais cet édit reste sans effet concret pendant 5 années. Pendant ce temps, la foi chrétienne continue de se répandre. Entre 1591 et 92, on baptise quelque 12.000 personnes et le nombre des chrétiens atteint 300.000. Mais un événement va bouleverser ce fragile équilibre.
En juillet 1596, un galion espagnol appelé San Felipe s’échoue sur les côtes japonaises suite à une tempête. La riche cargaison est confisquée pour l’empereur. Alors, le capitaine du Felipe recourt à la technique de l’intimidation pour sauver sa cargaison. Il montre au gouverneur japonais local une carte du monde, décrit les immenses possessions coloniales du roi d’Espagne et explique la technique utilisée pour arriver à construire cet empire :
Nos prêtres, raconte-t-il, nous préparent les voies. Ils convertissent les peuples au christianisme. Ensuite, ce n'est plus qu'un jeu pour nous de les soumettre à notre autorité.
On ne peut pas mieux desservir l’apostolat des missionnaires.
Évidemment, l’empereur Hideyoshi est immédiatement mis au courant des confidences maladroites du capitaine du San Felipe. Il ne fallait que cette bêtise pour ranimer la haine contre les missionnaires et la foi chrétienne qu’ils véhiculent.
Chose étonnante, une étrange impatience du martyre s’empare de tout le peuple. On s'y prépare, on l'appelle, on l'attend. Un recensement des chrétiens est fait. L’homme chargé de faire les listes est effrayé par l’énorme quantité de chrétiens qu’il découvre. Il fait disparaître ces listes en disant que l’empereur n’a pas l’intention de dépeupler son pays, mais seulement de punir les religieux étrangers venus des Philippines.
Il n’y a donc que 24 arrestations le 9 décembre 1596 : six franciscains espagnols, trois jésuites japonais, quinze laïcs (catéchistes ou serviteurs, parmi lesquels trois enfants âgés de onze à quatorze ans : Louis, Antoine et Thomas).
Les trois jésuites japonais devraient échapper à la mort puisqu’ils ne sont pas des missionnaires. Mais pour cela, il faut en référer à l’empereur et ainsi attirer son attention sur les autres jésuites. On préfère ne rien faire et les conduire à la mort.
Le cas des enfants condamnés à mourir est aussi particulier. Ils servent la messe chez les pères franciscains. Le petit Louis de 11 ans n’aurait aucun problème à être écarté de la liste des condamnés, mais il refuse avec force pleurs et prières. Antoine et Thomas, âgés de 15 ans, vont eux aussi montrer un courage incroyable qui force l’admiration de tous les assistants.
On commence par couper un bout d’oreille gauche à chaque condamné et on les promène dans les rues de la ville de Méaco selon la coutume japonaise. Normalement les condamnés sont soumis à la vindicte populaire, mais ici, c’est un étrange silence, mêlé de plaintes, surtout à la vue des trois enfants ensanglantés par la perte de leur oreille : « Quel crime ont commis ces enfants et tant de gens de bien, pour être punis comme des malfaiteurs ? » Des chrétiens suivent le cortège. Ils s’accusent publiquement d’être chrétiens et demandent de pouvoir monter sur les charrettes du supplice. Mais cela ne leur est pas accordé.
Sur la route de Nagasaki, deux hommes sont mandatés par la Communauté chrétienne pour porter assistance aux condamnés le long de la route : Pierre Cosaqui et François Danto. Les soldats de l’escorte les laissent d’abord faire, puis se mettent à les maltraiter. Le chef de l’escorte leur demande s’ils sont chrétiens. Pierre et François lui disent oui avec fierté. Alors l’officier décide sur sa propre initiative et sans jugement de les joindre aux condamnés dont le nombre passe ainsi de 24 à 26. Pierre et François reçoivent cette nouvelle avec une grande joie.
C’est ainsi qu’un soir, tous les prisonniers sont remis pour la nuit à la garde d’un officier dur et brutal qui les enferme tous dans le même cagibi. Paul Miki cherche à lui parler et arrive à le convertir et à en faire un vrai chrétien. On commence à trouver que la balade dissuasive des chrétiens conduit à l’effet opposé : elle propage la foi là où elle n’existe pas encore !
Des jésuites et des franciscains non poursuivis par la justice s’arrangent pour assurer les derniers sacrements aux condamnés. Puis, le 5 février 1597, on les conduit sur la colline du supplice.
Il déclare qu’il est japonais, membre de la Compagnie de Jésus, et qu’il meurt parce qu’il a voulu annoncer l’Évangile. Il rend grâce publiquement d’être jugé digne d’offrir sa vie comme martyr. Il ajoute :
« Parvenu à l'instant où je suis, je pense que personne parmi vous ne croira que je veuille déguiser la vérité. Aussi je vous déclare que la seule voie conduisant au salut est celle que suivent les chrétiens. Et puisque la foi chrétienne m'apprend à pardonner à mes ennemis et à tous ceux qui m'ont fait du mal, je pardonne volontiers au souverain et à tous les responsables de ma mort, et les prie de bien vouloir se faire baptiser. »
Tous les condamnés font éclater leur zèle et leur joie, et ces grands exemples excitent dans le cœur des fidèles qui en sont les témoins une merveilleuse ardeur pour le martyre.
A partir de cette exécution, la foi chrétienne a été bannie du Japon. Tous les missionnaires ont dû se retirer. La foi est devenue clandestine. Quelques communautés ont survécu sans prêtre pendant près de 2 siècles, jusque la moitié du XIXe siècle. Ces chrétiens avaient perdus tout contact avec l’Église universelle. Ils se transmettaient la foi en famille et baptisaient leurs enfants en cachette. Ils étaient animés d’une espérance : un jour, les prêtres reviendront. Comment les reconnaître ? Ils avaient gardé trois éléments : être célibataire, fidèle au Pape de Rome et aimant la Vierge Marie.
Lorsque les prêtres des Missions Étrangères de Paris obtiennent l’autorisation de revenir, ils construisent une église à Nagasaki et l’inaugurent le 5 février 1865.
Le 17 mars de la même année, un groupe de personnes d’un village des environs, Urakami, viennent en reconnaissance dans l’église. Ils interrogent le Père Petitjean : est-il célibataire ? Obéit-il au pape de Rome ? Aime-t-il la Vierge Marie ? Comme le Père répond oui à ces trois questions, les personnes se dévoilent : ce sont des chrétiens qui attendent depuis des siècles le retour des missionnaires ! On décide alors de construire une église dans leur village d’Urakami, situé au nord de Nagasaki. Quand l’agglomération de Nagasaki grandit, Urakami est englobé. C’est aussi à Nagasaki que le père Kolbe va installer sa communauté en 1931. Le 9 août 1945, à 11h02, la deuxième bombe atomique destinée au Japon explose au-dessus d’Urakami, à 400 mètres de cette église, en plein quartier catholique. Les catholiques de Nagasaki paient un lourd tribu à la guerre. Mais l’église sera reconstruite et elle est devenue cathédrale.
Nagasaki est vraiment une ville spéciale pour les catholiques. Je vous invite à lire le très beau livre du père Paul Glynn : Requiem pour Nagasaki qui raconte l’histoire bouleversante de Takashi Nagai – baptisé du nom de Paul en souvenir de Paul Miki – et de sa femme Midori Moriyama. Un procès de béatification a été ouvert pour ce couple. Dans ce livre, Takashi Nagai parle de la vocation unique des catholiques de Nagasaki à participer au mystère de la croix du Christ, vocation qui a commencé en 1597 avec l’exécution des 26 martyrs du Japon, Paul Miki et ses compagnons.
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