C'est parce que son corps a été découvert intact après plusieurs dizaines d'années que l'Eglise a commencé son procès de canonisation.
Nous sommes à Pibrac, un petit village à 15km à l’ouest de Toulouse, un matin de décembre de 1644 et l’histoire que je vous raconte est bien documentée. Nous connaissons tous les noms de protagonistes. Mme Germaine Andouane a demandé à être enterrée dans l’église du village. Il faut donc creuser dans le sol à un endroit où il n’y a pas encore de tombe. Le fossoyeur Guillaume Cassé, aidé de Gaillard Baron, délimitent une zone et se mettent à creuser. À peine ont-ils commencé qu’ils découvrent un corps. C’est celui d’une jeune fille. Il est parfaitement intact sauf qu’il y a une blessure sur le nez causée par le coup de pioche qui l’a mise à découvert. La chair a l’air vivante. La tête de la jeune fille est couronnée d’une guirlande de fleurs. Ce sont des œillets des champs mêlés d’épis de seigle, gonflés et bien dorés, ce qui permet de situer la mort au cours d’un mois de juin.
Vous imaginez l’émoi que cause cette découverte. On appelle les anciens du village de Pibrac. Ils reconnaissent le corps. « C’est Germaine Cousin, affirment-ils. Elle était manchote et atteinte de la maladie des écrouelles (une maladie qui affecte les ganglions). » Une analyse plus poussée du corps confirme la parole des vieux : le cou porte des cicatrices aux ganglions, la main est infirme. Germaine est morte en 1601 et son corps s’est donc conservé de manière inexpliquée sous terre, sans cercueil, pendant 43 ans.
Que faire ? Pensez-vous que les braves gens de Pibrac vont se lancer dans un procès de béatification ? Non, évidemment. Par contre, il est décidé de mettre le corps de Germaine dans un cercueil de plomb et de le déposer dans la sacristie. Là, une nouvelle fois, on oublie Germaine. Dix-sept ans plus tard, personne ne se souvient vraiment lorsque, le 22 septembre 1661, la paroisse de Pibrac reçoit la visite du vicaire général du diocèse de Toulouse, Jean Dufour. Il s’étonne de voir un cercueil « traîner » dans une sacristie. Il découvre l’histoire. On ouvre le cercueil. Le corps de Germaine est toujours absolument intact. Jean Dufour fait vérifier tous les morts enterrés dans l’église. Aucun n’est intact. Ce sont tous des squelettes. Cela achève d’ébranler le vicaire général et finalement un procès de canonisation est ouvert en 1700. Elle sera canonisée en 1867 par Pie IX.
Cette histoire quelque peu rocambolesque montre en tout cas une chose : Dieu a voulu attirer l’attention du monde sur une humble jeune fille inconnue. Il a voulu qu’elle soit canonisée. Il a montré ainsi – une fois de plus – que c’est bien lui qui choisit qui sera saint ou sainte. Et comme toujours, il veut attirer l’attention sur la vie et le message de la sainte.
Alors qui est donc cette Germaine Cousin dont la dépouille mortelle a causé tant de surprises et que Dieu a voulu porter sur les autels ?
Elle est née à Pibrac en 1579 avec une main atrophiée. Son père, Laurent, est un modeste laboureur. Sa mère, Marie Laroche, meurt quand Germaine est encore très jeune. Son père se remarie, et la marâtre n’aime pas la petite Germaine qui devient son souffre-douleur. Elle lui fait subir toutes sortes d'humiliations et de maltraitances et la relègue dans un appentis à l’extérieur de la maison.
La jeune Germaine qui est illettrée demande à son père de pouvoir garder le troupeau de moutons de la famille. Là, dans la solitude, elle est libre de réciter son chapelet et de prier comme elle le désire, tout en filant la laine. Elle demeure toute la journée dans la compagnie de Jésus et de Marie. Elle va à la messe tous les jours. Elle partage avec les pauvres le peu de pain qu'elle reçoit. Pour participer à la messe quotidienne, elle abandonne son troupeau en laissant ses moutons à la garde de sa quenouille qu’elle plante en terre et le troupeau s’agglutine autour. Les loups sont nombreux dans les environs ; les moutons pourraient être pris par la fantaisie de partir se balader. Mais rien n’arrive. Germaine n’a jamais perdu un seul animal ! Et aucun d’entre eux n’est aller chez un voisin… Pour aller à l’église du village, Germaine doit traverser un ruisseau appelé le Courbet. Lorsque les pluies sont abondantes, il devient un torrent impétueux et quasiment infranchissable. Mais Germaine le traverse sans problème au grand étonnement des villageois.
Un jour d’hiver, la marâtre de Germaine la rattrape car elle la soupçonne d’avoir pris du pain pour nourrir les pauvres. Elle la bat sévèrement et l’oblige à ouvrir son tablier. Ce n’est pas du pain qui tombe par terre mais des roses… en plein hiver. Le père est scandalisé par l’attitude de sa nouvelle femme à l’égard de Germaine. Il lui interdit désormais de la battre et demande à sa fille de quitter son petit réduit sous l’escalier pour s’installer à nouveau dans le corps de logis. Mais Germaine refuse. C’est dans ce réduit qu’on la découvre morte le 15 juin 1601. Elle est morte à l’âge de 22 ans. Tout pourrait s’arrêter là, mais Dieu permet que beaucoup de miracles se passent sur la tombe de Germaine, mais on finit tout de même par l’oublier.
Lorsque son procès s’ouvre, les gens la redécouvre et les faveurs miraculeuses se multiplient sur sa tombe. Voici les guérisons qui ont été retenues pour sa béatification et sa canonisation : Jacquette Cathala, une fillette de 8 ans atteinte de rachitisme ; Philippe Luc, un jeune garçon souffrant d’une fistule incurable. Et la guérison de deux jeunes filles paralysées, Lucie Noël de Revel et Françoise Huot de Langres.
Une multiplication de pains et de farine est aussi attestée en 1845 dans la communauté religieuse du Bon Pasteur à Bourges, miracle qui s’est répété par deux fois. Depuis quatre siècles, la petite bergère de Pibrac, orpheline, malade, pauvre, maltraitée par ses proches, montre la puissance de son intercession auprès de Dieu. Elle est la patronne des faibles, des malades, de tous ceux qui souffrent et dont la vie est difficile. Notez un dernier détail qui me navre particulièrement : en 1793, les révolutionnaires s’en sont pris au corps intact de Germaine de Pibrac qui attirait tant et tant de pèlerins. Ils l’ont jeté dans une fosse remplie de chaux. Ses restes ont été récupérés après la Terreur par les habitants du village… et les miracles ont repris de plus belle. Heureusement que les habitants du ciel ne sont pas rancuniers avec ceux qui s’en prennent à eux sur la terre !
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !