Le vieil évêque Pothin et la jeune esclave Blandine ont marqué par leur martyre toute l'histoire de l'Eglise de France.
L’histoire de la France chrétienne comprend aussi son lot de martyrs qui ont participé par le don de leur vie à la croissance de l’Église, selon la célèbre parole de Tertullien, « Le sang des martyrs est semence de chrétiens. » Parmi eux, il y a le groupe des martyrs de Lyon qui ont été exécutés sauvagement vers l’an 177. L’unique source historique qui permet de connaître les événements est la fameuse Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée qui reproduit in extenso la lettre que les chrétiens de Vienne et de Lyon ont rédigée pour raconter le martyre de leurs compagnons. Cette lettre est adressée aux chrétiens d’Asie et de Phrygie.
Nous sommes donc aux environs de 177 à Lugdunum, le nom latin de Lyon, sous le règne de l’empereur Marc Aurèle. Étant donné sa position géographique exceptionnelle, Lyon est une ville commerciale importante, la plus importante de la Gaule de l’époque. En juillet, se déroulent des fêtes religieuses païennes qui sont l’occasion aussi d’échanges commerciaux, d’un grand brassage de population et de beuveries festives. C’est durant ces fêtes que les esprits s’échauffent contre les chrétiens, la boisson aidant probablement. On raconte à leur propos toutes sortes de mensonges, des horreurs que la foule crédule avale et propage sans broncher. Les chrétiens se livreraient à des sacrifices humains, ils mangeraient la chair de jeunes enfants, et d’autres calomnies du même genre. Ces bruits se propagent rapidement et la foule commence à s’exciter contre les chrétiens. Elle réclame qu’ils soient poursuivis et punis. La pression populaire est telle que le gouverneur romain est forcé de réagir. Il fait arrêter, mettre en prison et comparaître devant lui tous ceux qui sont soupçonnés d’être chrétiens. Dans cette persécution, selon Eusèbe, 48 martyrs périront. Les 24 chrétiens citoyens romains – 12 hommes et 12 femmes – sont décapités comme le veut la loi. Dix-huit autres meurent en prison des suites des mauvais traitements qu’ils ont subis. Six vont être soumis aux jeux du cirque où ils seront livrés aux bêtes dans le fameux amphithéâtre des Trois Gaules.
Le premier à être arrêté est évidemment le chef des chrétiens, le vieil évêque du lieu, Pothin, âgé de 82 ans, déjà faible et infirme. Pothin est originaire de Smyrne, la ville de saint Polycarpe qu’il a bien connu. Son nom signifie « Désiré » en grec. Il est arrivé à Lyon vers 122 et est un des fondateurs de la chrétienté lyonnaise. Au moment de son martyre, il est le seul évêque de la Gaule. Il comparaît devant le tribunal au milieu des injures du peuple. Le gouverneur lui demande : « Quel est donc le dieu que servent les chrétiens ? » Pothin lui répond avec dignité : « Tu le connaîtras si tu en es digne. » La colère de la foule se déchaîne alors sur lui. Pothin est battu à coups de pieds et à coups de poings, ceux qui sont loin jettent sur lui tout ce qui leur tombe sous la main, convaincus de venger leurs dieux injuriés par l’athéisme de ce mécréant. Les chrétiens sont en effet considérés comme des athées puisqu’ils ne reconnaissent pas les dieux de la société de leur époque. Le pauvre évêque est ramené mal en point dans la prison et c’est là que, deux jours après, il décède des suites de ses blessures et de son grand âge. C’est le premier martyr.
Tous les chrétiens comparaissent et sont sommés d’abjurer leur foi. Certains, une minorité, abjurent par peur du martyre. Un jeune homme de haut rang dans la société lyonnaise appelé Vettius Epagathus est choqué par l’injustice de ces procès. Courageux, il sort de la foule et se propose de défendre les accusés comme le permet la loi romaine. Sans écouter sa requête, le gouverneur l’interpelle et lui demande si lui aussi est chrétien. Vettius répond que oui. Sur ordre du gouverneur, les gardes le transpercent sur le champ de leurs épées. C’est alors au tour du diacre Sanctus de passer en jugement. Le gouverneur lui demande : « Quel est ton nom? » Sanctus répond : « Je suis chrétien. » Le gouverneur continue : « Où es-tu né ? » Sanctus répond de nouveau : « Je suis chrétien. » « Es-tu esclave ou libre? » « Je suis chrétien », martèle Sanctus. Ces réponses attisent la colère des soldats qui le fouettent et à le battent, alors que lui continue de répéter : « Je suis chrétien. » Sur ordre du gouverneur excédé, il est écrasé entre deux plaques de cuivre chauffées au rouge, mais il survit. Finalement, il sera livré aux bêtes avec Maturus et ils mourront dans l’amphithéâtre.
On amène au procès une jeune esclave de 15 ans. Les juges exhortent Blandine de dénoncer ses maîtres, d’avouer les fameux crimes qu’ils sont censés avoir commis. Mais elle répond :
Non, nous ne faisons aucun mal, nous ne faisons rien d’autre que de nous aimer les uns les autres, de vivre fraternellement, d’être justes, purs, charitables. Est-ce là notre crime ? » On la torture pour obtenir qu’elle abjure, elle se contente de répéter : « Je suis chrétienne, je ne fais aucun mal.
En prison, Blandine subit de nombreux sévices, mais au grand étonnement des gardiens, elle survit à tous les mauvais traitements.
Finalement, le dernier groupe de chrétiens est amené à l’amphithéâtre des Trois Gaules pour être mis en pâture aux bêtes sauvages. Une dernière fois, le gouverneur tente une ultime conciliation. Il s’adresse aux condamnés : « Écoutez-moi, vous les athées. Vous, les chrétiens, vous offensez nos dieux et vous attirez sur nous leur colère. Jurez simplement par César et je vous relâcherai. » Quelques condamnés, peu nombreux, flanchent et prononcent le serment à César. Ils sont libérés sur le champ. Les autres restent fermes dans leur foi : « Très bien, dit le gouverneur, vous avez choisi les fauves, le feu et l’épée. » S’abattent alors de terribles tortures sur les martyrs en présence d’une foule qui hurle son approbation, mais aussi son étonnement : « Qui sont donc ces chrétiens? Ils affrontent la mort de plein gré et avec joie. » Le chrétien Attale est grillé sur une chaise de fer. Il s’adresse à la foule qui l’accable : « Ce ne sont pas les Chrétiens qui mangent les hommes, c'est vous ; quant à nous, nous évitons tout ce qui est mal. » Maturus et Sanctus subissent le même sort pendant toute une journée : coups de verges, rôtissages au fer rouge, attaques par des bêtes et enfin égorgés.
Quand on présente Blandine aux bêtes sauvages, celles-ci ne lui font aucun mal. On la ramène en prison. Quelques jours plus tard, on la ramène au cirque avec un jeune chrétien de 15 ans, Ponticus. Elle l’encourage à tenir bon jusqu’au bout. Tous deux subissent de nouveau le fouet et les attaques des animaux. Rapidement, Ponticus rend son âme à Dieu, mais Blandine, malgré toutes ses blessures, est toujours vivante. On l’emballe alors dans un filet et on la jette en pâture à un taureau enragé qui la pourfend de ses cornes. Malgré son corps ensanglanté et meurtri, Blandine apparaît rayonnante de la paix du Christ au point que un témoin du supplice déclare : « Elle ressemble à quelqu’un qui est invité à des noces et non à quelqu’un qui est jeté aux fauves. » C’est un soldat qui met fin à ses souffrances avec son épée.
Les martyrs de Lyon ont été accusés d’athéisme et ceux qui les ont tués ont réalisé, sans le savoir, la prophétie de Jésus : « Vient l’heure où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage à Dieu » (Jn 16, 2). Le corps des martyrs a été exposé dans les rues de Lyon pendant plusieurs jours, sous bonne surveillance. Le pouvoir romain veut empêcher qu’ils reçoivent une sépulture convenable par peur de la résurrection. Au bout d’une semaine, les dépouilles sont brûlées et leurs cendres jetées dans le Rhône… comme si cela pouvait empêcher notre Dieu tout-puissant de les ressusciter au dernier jour ! Avec toutes ces atrocités, le pouvoir romain pense arriver à bout de la foi des chrétiens. Nous savons aujourd’hui qu’il n’en a rien été. Le courage, la joie et la certitude de la résurrection qui ont animé les chrétiens martyrs de Lyon ont impressionné profondément ceux qui les condamnaient. Rien n’a pu empêcher la foi de se répandre dans toute la Gaule jusqu’à arriver finalement à ce que la France soit appelée « fille aînée de l’Église ».
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