Ils ont été martyrs sans le savoir car ils ne connaissaient pas le Christ.
C’est une fête qui trouve sa source dans la Parole de Dieu, car Matthieu nous raconte les événements au chapitre 2, versets 12-18 de son Évangile. Voici ce texte :
Après quoi, avertis en songe de ne point retourner chez Hérode, [les mages] prirent une autre route pour rentrer dans leur pays. Après leur départ, voici que l’Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : "Lève-toi, prends avec toi l’enfant et sa mère, et fuis en Égypte ; et restes-y jusqu’à ce que je te dise. Car Hérode va rechercher l’enfant pour le faire périr." Il se leva, prit avec lui l’enfant et sa mère, de nuit, et se retira en Égypte ; et il resta là jusqu’à la mort d’Hérode; pour que s’accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : d’Égypte j’ai appelé mon fils.
Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, fut pris d’une violente fureur et envoya mettre à mort, dans Bethléem et tout son territoire, tous les enfants de moins de deux ans, d’après le temps qu’il s’était fait préciser par les mages. Alors s’accomplit l’oracle du prophète Jérémie : Une voix dans Rama s’est fait entendre, pleur et longue plainte: c’est Rachel pleurant ses enfants ; et ne veut pas qu’on la console, car ils ne sont plus.
Ils n’ont rien fait. Ils ne sont pas portés volontaires pour mourir martyrs. On peut dire simplement qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment. On pourrait dire aussi, comme ce coureur cycliste français, qu’ils ont été martyrs à l’insu de leur plein gré. Et pourtant ils sont bien de vrais martyrs : martyrs sans avoir connu le Christ, martyrs avant que le Christ ne soit crucifié et ressuscité, martyrs sans avoir été baptisés, martyrs même sans avoir pu confesser leur foi dans le Christ Seigneur et Sauveur. C’est proprement incroyable !
Voici ce que le martyrologe romain dit à leur propos :
Petits enfants qui furent massacrés à Bethléem de Judée sur l'ordre du roi impie Hérode, pour que périsse avec eux l'enfant Jésus. Dès les premiers siècles de l'Église, ils ont été honorés comme martyrs, car ils sont les prémices de tous ceux qui devaient verser leur sang pour Dieu et pour l'Agneau de Dieu.
Depuis les premiers siècles, l’Église vénère ces saints Innocents aux environs de la fête de Noël comme martyrs en considérant que ces jeunes enfants ont été étroitement unis au sacrifice du Christ et ont participé ainsi au mystère de notre rédemption. Prudence, un poète du IVème siècle, dans son hymne de l’Épiphanie, les appelle « flores martyrum », c’est-à-dire fleurs des martyrs, « déracinées par le persécuteur de Jésus Christ, comme tant de tendres bourgeons».
L’évêque saint Quodvultdeus, évêque de Carthage au Vème siècle et lui-même martyr, dit à leur propos dans une homélie : « Les enfants, sans le savoir, meurent pour le Christ, et les parents pleurent les martyrs qui meurent. Le Christ fait des témoins de ceux qui ne parlent pas encore… Ô merveilleux don de la grâce ! Quels mérites ont eu ces enfants pour remporter la victoire de cette manière ? Ils ne parlent pas encore et déjà ils confessent le Christ ! Ils ne sont pas encore capables d’affronter la lutte, car leurs membres en sont incapables, toutefois ils portent en triomphe la palme de la victoire. »
Cette vénération séculaire des saints Innocents a poussé le saint pape Pie V à instituer pour eux une fête liturgique au XVIème siècle. Cette fête consacre le fait qu’ils forment la petite avant-garde de l’armée de martyrs qui ont témoigné et continuent de témoigner avec leur sang leur appartenance au Christ. Ils sont réellement les fleurs des martyrs, qui ouvrent la marche à la longue liste des martyrs chrétiens, qui je vous rappelle, n’ont jamais été aussi nombreux que depuis le début du XXème siècle.
Mais la fête des saints innocents à une autre signification très belle, très profonde et très actuelle. Elle célèbre le martyre silencieux de tous les innocents qui ont été victimes de la méchanceté des hommes, et en particulier, victimes des luttes de pouvoir, car c’est pour préserver son pouvoir que le roi Hérode a fait massacrer tous ces enfants innocents.
À ce propos, le pape François a écrit à tous les évêques du monde en 2016 à l’occasion de la fête des saints innocents pour les exhorter – je cite – à « écouter la lamentation et les pleurs de tant de mères, de tant de familles, pour la mort de leurs enfants, de leurs enfants innocents, […] le gémissement de douleur des mères qui pleurent la mort de leurs enfants innocents face à la tyrannie et à l’avidité effrénée de pouvoir d’Hérode. » Le pape continue en soulignant l’actualité de cette souffrance : il s’agit écrit le pape d’« un gémissement que nous pouvons encore aujourd’hui continuer à entendre, qui nous touche notre âme et que nous ne pouvons pas et ne voulons pas ignorer ni faire taire. »
Dans sa lettre le pape invite les évêques à protéger l’innocence des petits, exploités et martyrisés par les « nouveaux Hérode » contemporains qui leur font subir tous les maux que nous connaissons encore aujourd’hui dans le monde : le poids du travail clandestin et de l’esclavage, le poids de la prostitution et de l’exploitation, l’innocence détruite par les guerres et par l’émigration forcée.
Et le pape continue en recommandant d’écouter les pleurs et les lamentations de l’Église qui demande pardon et qui – je cite – « pleure non seulement face à la douleur causée aux plus petits de ses enfants, mais aussi parce qu’elle est consciente du péché de certains de ses membres : la souffrance, l’histoire et la douleur des mineurs qui ont été abusés sexuellement par des prêtres. »
En entendant tout cela, chers frères et sœurs, vous pouvez comprendre pourquoi cette fête des saints innocents est si chère à mon cœur. Je vous invite aujourd’hui à vous joindre à la prière du pape pour tous les saints innocents d’aujourd’hui. Je vous invite aussi à entrer dans l’espérance : Dieu récompense toujours la souffrance des innocents parce qu’en plus d’être amour infini, il est toute justice. Au ciel, nous découvrirons comment il a récompensé tous les innocents qui, sans le savoir, ont participé de manière mystérieuse à la souffrance de son Fils unique… et nous serons dans l’émerveillement !
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