Un livre aussi joyeux que lui ! Curé de paroisse à Paris, le Père Stéphane Esclef publie "Quand le curé se met à table" (éd. Salvator). Il raconte sa passion pour la cuisine, sa conversion à Lourdes, son enfance marquée par sa grand-mère d'Amiens, bercée par Edith Piaf, mais aussi l'alcoolisme de sa mère et son lien avec la Vierge Marie...
Dans son livre, le prêtre raconte une histoire pleine de rebondissements. Comme la première fois où il a confessé. C'était une semaine après avoir été ordonné prêtre à Notre-Dame de Paris par le cardinal Lustiger. Dans le métro, un homme l'arrête. "Vous êtes prêtre ? Je peux vous parler ?" Lors de son ordination, le P. Esclef avait fait cette prière : que la première personne qu'il confesse soit envoyée par Dieu. Que ne soit pas nécessairement aux horaires indiqués dans un lieu prévu pour ça.
Visiblement, sa prière a été exaucée : l'anonyme du métro s'est mis à raconter "toute sa vie", à "pleurer toutes les larmes de son corps". Et "au bout de 30 minutes" de demander : "Est-ce que je peux me confesser ?" Pris au dépourvu, le jeune prêtre est sans aube, ni ornement ou prie-Dieu. Qu'à cela ne tienne, sur le quai du métro il y a des sièges. Là, sur le quai, face aux rames de métro qui défilent et déversent leur flots de piétons, le père Esclef confesse pour la première fois. "Une grâce inouïe de Dieu !"
"Ce n'est pas parce qu'on a une famille cabossée et que tout est foutu." Stéphane Esclef raconte son parcours avec autant de sagesse que de simplicité. Une enfance marquée par l'alcoolisme de sa mère et la séparation de ses parents. Aujourd'hui, la blessure a cicatrisé, mais il reste une marque. L'alcoolisme qui a emporté sa mère - et dont il faut dire que c'est "une maladie : parfois on n'ose pas mettre des mots sur ce drame" - lui permet de ressentir ce que vivent les "ceux qu'on appelle les blessés de la vie". "Je suis de toute compassion avec eux, je suis passé par là et je peux savoir ce qu'ils ressentent... pas besoin d'avoir fait des cours pour ça."
Dans cette famille "cabossée" il y a quand même une personne "lumineuse" qui lui a appris à "ordonner sa vie pour être un homme à part entière". "Mémé", sa grand-mère. "Une femme toute, une simple fille de ferme, mais qui était pleine du bon sens de la terre. Elle ne savait ni lire ni écrire et pourtant qu'est-ce qu'elle m'a transmis plein de choses ! Ce que je suis aujourd'hui, je lui dois." Il y a eu la cuisine, mais aussi "le sens de l'autre, la charité, le dévouement, la joie de vivre et aussi se battre pour réussir..." C'est que "la vie n'est pas simple", admet le prêtre.
La cuisine est une affaire de passionné, on l'entend souvent à l'heure où les émissions de télévision culinaire font des émules. "Passionné" c'est ce qui définit le mieux le prêtre, semble-t-il. Car dans la cuisine ce n'est pas que l'amour du travail bien fait qui l'anime - même c'est "un point qui reste" dans sa vie - c'est aussi la fraternité, la solidarité, l'entraide au sein de la brigade.
Issu d'une famille modeste, Stéphane Esclef a été élève au Lycée hôtelier au Touquet (Pas-de-Calais) puis chef de partie au Royal Monceau dans le très chic VIIIè arrondissement de Paris. Là il s'efforce de "déceler chez chacun le talent qu'il a pour pouvoir lui permettre de s'épanouir donner le maximum qu'il puisse donner".
Né dans une famille pour qui la foi est une étrangeté, Stéphane Esclef part en pèlerinage à Lourdes lors de son service militaire. "Ça a été la grande rencontre avec le Seigneur et jamais jamais j'aurais pensé que ça puisse se faire là-bas !" Au début, il ne s'approche pas trop de la grotte... Tout ça c'est un peu "des histoires de bigoterie", se disait-il. "Peut-être au fond de moi je me sentais un peu sale, indigne d'être dans la grotte." Mais le prêtre qui accompagne son groupe lui d'aller devant la grotte et de prier, chose qu'il n'avait jamais faite.
"Je me suis assis, j'ai attendu, je regardais et d'un seul coup le temps s'est arrêté, je n'étais plus sur terre si je puis dire - je vous rassure je n'ai pas eu d'apparition de Vierge qui clignote dans la gotte, non - mais au fond de moi une voix très maternelle très douce très apaisante très aimante qui me dit : Stéphane relève tes manches, suis mon fils Jésus et travaille dans l'Église." Le prêtre n'est "pas près d'oublier" cette "voix de mère". "Vous pouvez imaginer, avec la blessure que j'avais eue vis-à-vis de ma mère c'était comme une compensation, une autre mère qui arrivait."
Christophe Henning reçoit chaque semaine un auteur: travail théologique, questions pastorales, dimension liturgique, vie spirituelle, dialogue des religions… Autant de questions évoquées dans un tête-à-tête direct et nourri avec l’auteur.
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