"Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle"
Méditation de l'évangile (Jn 6, 22-29) par Mgr Emmanuel Gobilliard
Chnat final: "Venez, ayez foi en lui" par la communauté de l'Emmanuel
Jésus avait rassasié cinq mille hommes,
et ses disciples l’avaient vu marcher sur la mer.
Le lendemain, la foule restée sur l’autre rive
se rendit compte qu’il n’y avait eu là qu’une seule barque,
et que Jésus n’y était pas monté avec ses disciples,
qui étaient partis sans lui.
Cependant, d’autres barques, venant de Tibériade,
étaient arrivées près de l’endroit où l’on avait mangé le pain
après que le Seigneur eut rendu grâce.
Quand la foule vit que Jésus n’était pas là,
ni ses disciples,
les gens montèrent dans les barques
et se dirigèrent vers Capharnaüm
à la recherche de Jésus.
L’ayant trouvé sur l’autre rive, ils lui dirent :
« Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? »
Jésus leur répondit :
« Amen, amen, je vous le dis :
vous me cherchez,
non parce que vous avez vu des signes,
mais parce que vous avez mangé de ces pains
et que vous avez été rassasiés.
Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd,
mais pour la nourriture qui demeure
jusque dans la vie éternelle,
celle que vous donnera le Fils de l’homme,
lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. »
Ils lui dirent alors :
« Que devons-nous faire
pour travailler aux œuvres de Dieu ? »
Jésus leur répondit :
« L’œuvre de Dieu,
c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
Source : AELF
Jésus a multiplié les pains parce que, sinon, la foule se serait dispersée pour trouver de quoi manger. Jésus a rassasié leurs corps pour que ces gens puissent ensuite recevoir sa parole, pour que leur âme puisse être rassasiée. Le miracle n’est qu’un moyen pour aller plus loin, pour recevoir la grâce, pour changer son cœur. Mais la foule s’arrête au miracle, et voit Jésus non plus comme leur sauveur mais comme leur héros. Ils veulent faire de lui un roi ! Ils n’ont pas compris ! C’est pour cela que Jésus se retire et disparait. On pourrait dire qu’ils ont tout gâché ! Cette réflexion me rappelle la magnifique page de Dostoïevski dans les frères Karamazov. Ce texte s’appelle la légende du grand inquisiteur. Elle raconte qu’un jour en Espagne, au temps de l’Inquisition, Jésus a voulu faire une petite visite à son peuple souffrant, à cette multitude malheureuse. Il apparaît comme il est apparu dans l’Évangile, modestement, sans attirer les regards, pourtant tout le monde le reconnaît. Son sourire exprime une infinie compassion. Il bénit les enfants et guérit les malades. Il ressuscite une fillette et soudain apparait le grand Inquisiteur. Il a tout vu. Il sait qui est cet homme bon que les hommes acclament et le fait arrêter. Le soir, l’inquisiteur visite Jésus dans sa cellule et un étrange dialogue s’engage, ou plutôt un monologue. « Demain, dit-il, je Te condamnerai et Te ferai périr dans les flammes, comme le plus pervers des hérétiques ; et ce même peuple qui aujourd’hui a baisé Tes pieds, demain, sur un signe de moi, s’empressera d’apporter des fagots à Ton bûcher. » Puis il lui dit en substance : « Tu as voulu leur enseigner la liberté pour qu’ils soient capables d’aimer en vérité, mais ils n’ont que faire de la liberté. Ils veulent du pain. Ils se croient libres, mais ils nous ont confié leur liberté, pour qu’on les rende heureux. Asservis mais heureux ! »
« Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. » Dit Jésus, qui veut que nous soyons libres. Aujourd’hui les inquisiteurs ne sont plus les mêmes. Ceux qui nous privent de la liberté, et surtout de la liberté intérieure pour nous offrir, toute prête, leur façon de penser, il faut les chercher ailleurs, dans un univers plus médiatique ou dans le complotisme des réseaux. Mais c’est nous qui leur demandons du divertissement ou des règles faciles à appliquer, des débats creux qui nous évitent de nous remettre nous-mêmes en question, où les bons sont toujours du même côté et les mauvais sont ceux qui ne pensent pas comme tout le monde. Pour que nous soyons vraiment libres, nous devons savoir faire deux choses : rejeter la fausse nourriture, celle qui nous est offerte par ceux qui nous confisquent la liberté et choisir la vraie nourriture. Sommes-nous vraiment capables de renoncer au petit confort de nos vies sans souffle, sommes-nous prêts à renoncer au pouvoir qui nous tend les bras et qui nous susurre des rêves de gloire ? Jésus nous invite à aimer en vérité, à nous nourrir de cette nourriture dont il parle ailleurs dans l’Evangile. « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père. » Pour être sûrs de ne pas être asservis par tous ces démons qui nous font croire qu’ils nous veulent du bien, nous devons cultiver la gratuité et demander à Jésus le cadeau de la liberté, celle qui nous permet d’aimer en vérité.
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