Ce sont des moments où on retient son souffle. Il y a des suspens angoissés, comme lorsqu’on redoute une catastrophe. Il y a aussi des suspens positifs, où l’on voudrait que le temps s’arrête : « O temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices, suspendez votre cours ! » s’écriait Lamartine dans un poème célèbre.
Le voyage du Pape François en Irak fait partie de ces suspens. Nous avons d’abord retenu notre souffle devant les dangers évidents qu’il bravait en entreprenant un pareil voyage. Mais ensuite, et de plus en plus au fur et à mesure que le programme prévu se déroulait, nous avons retenu notre souffle comme on le fait devant un miracle qui survient dans une situation sans issue et qui laisse imaginer que malgré tout une issue est possible.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’être naïfs. Nous savons bien que le Pape n’est pas arrivé avec des solutions pratiques. Mais c’est justement cette venue d’un homme désarmé, sans autres recettes que de témoigner de l’amour de Dieu pour tous sans exception, qui aura marqué les plus sceptiques. Les solutions des politiques, nous en avons vu et entendu à satiété. Mais le simple « aimez-vous les uns les autres », nous avions perdu l’habitude de l’entendre. Un vieil homme de quatre-vingt-quatre ans, de plus en plus claudiquant mais de qui se dégage une force incroyable, est venu au péril de sa vie dire les paroles les plus simples qui soient, des paroles qui ouvrent un avenir là où tous sont tentés de désespérer en face des horreurs du présent.
C’est sans doute cette tranquille audace qui lui a permis, dans l’avion du retour, de se demander naïvement à qui profite le crime. Car il ne suffit pas de déplorer que les belligérants continuent à se battre ; il faut aussi ne pas se dérober devant des questions comme : qui donc leur fournit des armes ? et qui donc a intérêt à ce que ce conflit s’éternise ?
« En toi seront bénies toutes les familles de la terre » avait dit Dieu à Abraham. Le souvenir d’Abraham, dont le nom est signe de bénédiction, a plané sans cesse sur ce voyage. Nous ne sommes pas seulement fiers de notre pape : nous sommes fiers d’avoir tous pour père Abraham. En lui l’humanité si souvent tentée de désespérer d’elle-même sera toujours plus belle qu’elle ne le pensait, comme les étoiles dans le ciel ou le sable au bord de la mer.
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