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Il y a 70 ans, la création de l'État d'Israël

RCF, le 14 mai 2018 - Modifié le 9 décembre 2024

L'État d’Israël est né le 14 mai 1948. L'aboutissement d’un long processus enraciné dans le contexte européen de la fin du XIXè siècle.

Wikimédia Commons - Lecture de la déclaration d'indépendance par David Ben Gourion, sous le portrait de Theodor Herzl, le 14 mai 1948Wikimédia Commons - Lecture de la déclaration d'indépendance par David Ben Gourion, sous le portrait de Theodor Herzl, le 14 mai 1948

Ainsi que l'avait annoncé Donald Trump le 6 décembre 2017, l'ambassade américaine a été transférée à Jérusalem ce 14 mai 2018, jour anniversaire de la création de l'État d'Israël, il y a 70 ans. L'inauguration de l'ambassade a provoqué une vague de morts sans précédent depuis 2014, dans les rangs palestiniens. La décision prise il y a 70 ans n'a cessé de peser sur tout le Proche-Orient. Alain Dieckhoff, auteur de l'ouvrage "Le conflit Israélo-palestinien" (éd. Armand Colin), retrace les origines du sionisme.
 

 "Si la masse de ceux qui vont adhéré au sionisme se trouvent en Russie, celui qui va vraiment donner l'essor intellectuel au mouvement, c'est un juif qui vient de l'empire austro-hongrois, Theodor Herzl"

 

La diaspora au cœur de l'histoire du peuple juif

La diaspora est une dimension centrale du judaïsme, avec, au cœur, cette "idée qu'un jour il y aura un retour à Sion", idée "très importante" dans le judaïsme, explique Alain Dieckhoff. Il faut remonter au Ier siècle de notre ère, avec, en 70 ap. J.-C., la destruction du Second Temple de Jérusalem qui provoque un départ des juifs vers l'Égypte, l'actuelle Irak, la Syrie, le Yémen, et aussi vers l'Europe. "Avec la dispersion apparaît aussi l'idée qu'un jour il y a un retour." Si l'on veut faire un lien entre l'histoire du peuple juif et la création de l'État d'Israël, on peut puiser dans cette "nostalgie de Sion", nous dit le spécialiste. Qui insiste sur le caractère "moderne" du sionisme en tant qu'idéologie politique : "Le sionisme, c'est quand même in fine quelque chose de fondamentalement moderne, même si ça s'appuie sur cette nostalgie très ancienne."

À partir de la fin du XIXè siècle et du début du XXè, la situation globale du peuple juif change. À commencer par son expansion démographique. Entre 1880 et 1914, on passe de 7,5 à 13 millions de personnes. Une grande partie (5,5 millions de personnes) vit dans l'Empire russe (qui comprend l'actuelle Pologne). 2,5 millions vivent dans l'Empire austro-hongrois, 2,5 millions aux Etats-Unis, 1 million en Europe occidentale - surtout en Allemagne - et 1 millions dans les "pays d'islam". Reste une petite minorité installée en Palestine : dans les années 1860, on suppose que cela concerne de 25 et 30.000 personnes.

Les nationalismes et L'émancipation des juifs en Europe et en Russie

À la fin du XVIIIè siècle en Allemagne, la Haskala, courant de pensée influencé par la philosophie des Lumières, encourage une certaine remise en cause de la tradition religieuse au regard de la volonté d'émancipation des individus. À la faveur de cette approche particulièrement moderne du judaïsme, "va se développer une nouvelle manière d'être juif". En France, cela va jusqu'à la reconnaissance de la citoyenneté pleine et entière des juifs en 1791.

En Europe de l'Est, les années 1860-70 voient émerger un fort mouvement antisémite. Antisémitisme "reposant sur la réactivation de préjugés de nature religieuse, qui se basent sur une vision assez stéréotypée des juifs nourrie par le christianisme orthodoxe". Dans l'empire russe, on parle de pogroms pour désigner la destruction de quartiers juifs et même l'exécutions d'individus. Face à cela, un grand nombre de juifs s'engagent dans les partis révolutionnaires, anarchistes et surtout socialistes. "Les juifs vont jouer, c'est indéniable, un rôle important dans la création du parti social-démocrate russe qui va être l'ancêtre du parti communiste russe, du parti bolchevique."

 



 

Theodor Herzl et l'émergence du sionisme

Peu à peu se constituent au XIXè siècle des mouvements tels que L'Union générale des travailleurs juifs de Lituanie, de Pologne et de Russie, plus connu sous le nom de Bund. Son but étant de lutter à l'intérieur de l'empire tsariste pour que les juifs aient une autonomie en matière d'éducation et de culture, et pour une représentation au sein du Parlement. Un parti pré-sioniste fait aussi entendre sa volonté d'un État pour les juifs, dont il était clair dès 1905 que cet État ne serait pas en Russie mais en Palestine.

Parallèlement, au milieu du XIXè siècle on assiste en Europe à ce que l'on a appelé le mouvement des nationalités. Hongrois, Polonais, Slovaques, Grecs... revendiquent tour à tour leur indépendance. Mouvement qui a permis aux idées du journaliste Theodor Herzl (1860-1904) de recevoir un écho favorable en Europe de l'Est. Correspondant à Paris pour le journal viennois Neue Freie Presse, Herzl a été particulièrement marqué par l'affaire Dreyfus (1894-1906).

Si un pays comme la France, le premier à avoir émancipé les juifs, a pu en arriver là - dégrader injustement un capitaine pour trahison sous prétexte qu'il est juif - alors l'intégration des juifs ne sera pas possible, considère le journaliste. Lui qui "était un libéral", convaincu "que l'avenir des juifs c'était de se couler dans les sociétés dans lesquelles ils appartiennent", en est venu à considérer que l'émancipation des juifs se ferait collectivement. "Si la masse de ceux qui vont adhéré au sionisme se trouvent en Russie, y compris la Pologne actuelle, celui qui va vraiment donner l'essor intellectuel au mouvement, celui qui va le structurer idéologiquement et organisationnellement c'est un juif qui vient de l'empire austro-hongrois, Theodor Herzl."

 

 

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