Depuis le 11 septembre 2001, le complotisme semble ne s’être jamais aussi bien porté. Loin d'être le fait de farfelus ou d'ignorants, il est le symptôme d'une véritable maladie de société.
Comment expliquer la résurgence des théories complotistes ? Pourquoi depuis environ 15 ans voit-on ressurgir un phénomène que l'on croyait disparu ? Il y a eu le mythe du complot judéo-maçonnique, très répandu au XIXe siècle, ou encore les allégations des négationnistes pour qui les chambres à gaz n’auraient jamais existé... Depuis le 11 septembre 2001, le complotisme semble ne s’être jamais aussi bien porté. Et loin d'être le fait de farfelus ou d'ignorants, il est le symptôme d'une véritable maladie de société. Un phénomène que prend très au sérieux l'historienne Marie Peltier, puisqu'elle vient de publier "L’Ère du complotisme" (éd. Les Petits Matins).
Le complotisme se base sur l'esprit critique, c'est-à-dire "sur quelque chose qui est légitime", explique l'historienne. Celui qui crie au complot ne se contente pas cependant d'insinuer qu'il ne faut pas croire ce que l'on nous raconte dans les médias ou les discours des politiques. La théorie du complot énonce en parallèle une vérité comme étant la seule. Le complotisme s'accompagne donc d'un "mécanisme de dogmatisation".
"On a le droit de s'interroger sur le discours politique et médiatique, c'est même important !" Seulement ce discours, surtout propagé via internet, propose ce que l'historienne appelle "une narration de substitution", c'est-à-dire qu'il remplace une logique de pression par une autre.
C'est après l'effondrement des Twin Towers le 11 septembre 2001 que s'est produit une "rupture dans l'imaginaire collectif". L'historienne rappele le "fameux mensonge de l'administration Bush au moment de l'intervention en Irak" et les importantes manifestations qu'il a suscitées.
Or, malgré la mobilisation citoyenne, George W. Bush n'a pas renoncé à la guerre en Irak : à partir de cette rupture le doute est devenu "paradigmatique", c'est-à-dire que la posture du doute est devenue structurelle, comme la seule grille de lecture des médias et discours politiques.
"Il ne faut pas croire que le complotisme est quelque chose de diffus : c'est quelque chose de relativement organisé." Les théories du complot sont le plus souvent, selon Marie Peltier, le fait "d'acteurs politiques identifiés, structurellement reliés à l'extrême droite". Et à des "acteurs de propagande", comme Vladimir Poutine ou Bachar el-Assad.
Le bien / le mal, les ténèbres / la lumière... Le complotisme se nourrit d'une rhétorique binaire et d'un vocabulaire à connotation religieuse. "On est tout le temps dans cette polarisation", analyse Marie Peltier. Et de manière assez caricaturale, "on s'attache à traquer les détails qui ne colleraient pas au discours officiel." Comme on a pu le voir dans les discours complotistes sur l'attentat du 13 novembre à Paris, notamment au Bataclan.
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