Jean-Luc Coatalem est connu pour ses récits exotiques, ses romans venus d’ailleurs : dans ce nouveau livre, l’écrivain voyageur qu’est Jean-Luc Coatalem remonte le temps, retrouve ses racines bretonnes et part à la recherche de son grand-père, Paol, arrêté par la Gestapo, mort dans ces camps dont on ne revient pas. Pourquoi en faire un livre ? Parce qu’une chape de silence a étouffé l’histoire familiale, et qu’il faut quand même, soixante-dix ans après, remonter le courant du temps passé. Mais il ne reste guère de traces… Et le romancier enquêteur reconstitue d’une plume sure et sensible cette guerre qui a envahi les consciences et le pays jusqu’au bout du Finistère. Un roman donc, qui parle du grand-père mais aussi du fils, et de l’auteur : se confronter à l’histoire, c’est se retrouver soi-même.
Une part seulement : c’est une dénonciation anonyme qui a envoyé Paol dans un camp. « Une lettre scélérate l’accuse et le foudroie – comme une balle invisible. Son sort est joué. » Mais qu’a-t-il fait pour tomber entre les mains des occupants ? Que lui reprochait-on ? Personne, dans la famille, ne parvient à exprimer la douleur insondable, le deuil impossible de cet homme cinquantenaire, ancien officier colonial, pris dans l’engrenage de la déportation. Il faut briser le silence, reconstituer la vie ordinaire à Brest, la guerre et ses misères… Et l’auteur se transforme en explorateur d’archives, en aventurier du temps, en découvreur du passé. Jusqu’à l’obsession : « cette quête pour d’infimes particules que le temps avait dispersées, et pour laquelle je me dépensais sans compter, était devenue dévorante… » Comme quoi, le vertige ne s’empare pas seulement des grands explorateurs.
En effet, c’est le récit d’un destin familial, mais c’est aussi l’histoire d’un village français pendant la seconde guerre mondiale, des marins courageux, du chantier naval, et de la vie de toute une génération de l’entre-deux guerres, quand l’horizon du monde s’élargit, sans oublier qu’on est toujours né quelque part. C’est aussi le roman d’un héritage, lourd, qu’il faut revisiter pour mieux l’appréhender, pour sortir du deuil, du manque, du vide. « Paol est aussi mon histoire, écrit Coatalem, j’en ferais un livre parce que je ne savais rien faire d’autre de plus vrai qu’écrire ». Et c’est ainsi que son histoire devient un peu la nôtre. Tant mieux.
La part du fils, de Jean-Luc Coatalem est publié chez Stock. Et ce soir, au pied de la lettre, je reçois deux écrivains : Olivier Adam pour Une partie de badminton (Flammarion) et Valentine Goby pour son très beau livre Murène chez Actes Sud. Un bel échange en perspective…
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