Les habitants ont dû abandonner maisons ancestrales, église, mairie… Les agriculteurs ont perdu leurs terres. Et il a fallu, chose affreuse, déménager les cimetières ! Ce traumatisme est raconté par le journaliste Gérard Guérit dans un ouvrage récent, La France des villages engloutis, aux éditions Sutton.
J’ai en tête ces célèbres images d’archives où l’on voit le clocher de Tignes en Savoie, dépassant encore du lac qui se remplit alors que les derniers habitants sont expulsés…
Durant l’hiver 1952, l’évacuation de force de Tignes compte parmi les épisodes les plus dramatiques. Gérard Guérit cite un témoin qui conclue avec déchirement –et poésie ! - " Les bateaux voguent désormais dans le ciel d’autrefois ..."
Au départ, les Français étaient fiers que leur vallée s’illumine grâce à l’électricité et prêts à payer leur tribut à la modernisation du pays. Mais à partir des années 1950 et surtout 1970, on va contester le bien-fondé des nouveaux barrages.
Aujourd’hui, noyer une vallée entière est devenu une opération politiquement impossible. On a pris conscience de l’impact énorme de ces transformations pour l’environnement et le paysage.
Dans un premier temps, beaucoup sont allés chercher du travail ailleurs, même si le chantier du barrage boostait l’économie locale. Ceux qui sont restés ont développé, à plus ou moins long terme, de nouvelles activités, souvent liées aux bases de loisirs nautiques qui se sont installées au bord des lacs ou au tourisme de montagne.
Mais Sophie, en quoi ces villages engloutis constituent-ils un patrimoine ?
Aujourd’hui, le patrimoine est surtout constitué des villages neufs, reconstruits. Comme celui de Savines-le-Lac par exemple, au bord du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes. Il a été labellisé en 2011 « Patrimoine du XXe siècle » pour la qualité de son architecture.
Et presque partout aussi ont surgi des musées pour recueillir archives et objets témoignant de la vie avant le barrage.
Mais le plus précieux, ce sont les témoignages sur les villages engloutis qui constituent en eux-mêmes un patrimoine immatériel, contribuant à l’écriture de l’histoire de France.
Dans une large mesure, oui. Néanmoins, Gérard Guérit raconte cette anecdote émouvante : en l’an 2000, les ruines de Tignes sont réapparues, car le lac a été vidangé.
A cette occasion, 10 000 personnes, descendants des habitants expulsés sont venus visiter le vieux village. Des baptêmes et des mariages ont même été célébrés dans la fameuse église. Les plaies ont peut-être cicatrisé, mais la mémoire collective reste marquée par cette aventure.
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