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Pour Olivier Piot, "les Kurdes ont été trahis par tout le monde"
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Pour Olivier Piot, "les Kurdes ont été trahis par tout le monde"

RCF,  -  Modifié le 23 octobre 2019
Le 9 octobre dernier, le président turc lançait une offensive sans précédent en Syrie, contre les Kurdes. Petit point sur la situation après l’annonce d’un cessez-le-feu ce week-end.
Olivier Piot Olivier Piot

La guerre fait rage en Syrie, à la frontière avec la Turquie entre l'armée turque et les forces kurdes. Olivier Piot connait bien cette région. Grand reporter indépendant, spécialiste du Moyen-Orient et de la question kurde, il a publié il y a deux ans, aux éditions "Les Petits Matins", "Le peuple kurde, clé de voûte du Moyen-Orient". Pour ce dernier, le cessez-le-feu annoncé vendredi dernier, et qui doit s’achever ce soir, a été globalement respecté. "On peut parler de cessez-le-feu, même si depuis cinq jours on a vu des bombardements de l’armée turc qui ont perduré dans certaines zones du Nord de la Syrie. Après ce soir, beaucoup de scénarii sont possibles, d’autant plus avec la rencontre entre le président Erdogan et le président Poutine à Sotchi" explique-t-il.
 

Les Kurdes occupaient un tiers du territoire syrien

Cette trêve a été chapeautée par les États-Unis, qui ont présenté une position pour le moins ambigüe et cynique, avec le retrait de leurs troupes de Syrie, laissant un boulevard aux forces turques pour attaquer les Kurdes. "L’objectif était pour les États-Unis de reprendre la main sur ce dossier qui leur avait échappé avec les déclarations de Trump, pour constituer une zone de sécurité et installer ces millions de réfugiés. Les États-Unis n’ont pas rompu avec le président Erdogan. Ils sentent que la Russie tente de récupérer dans sa zone d’influence la Turquie. Ils n’ont pas totalement abandonné l’idée de devenir ceux qui font la paix dans cette région" ajoute le journaliste.

Olivier Piot rappelle que depuis 2012, dans tout le Nord de la Syrie, ce sont les combattants kurdes qui ont mené la lutte contre Daech, et qui sur le terrain occupent toutes ces villes frontalières. "Ils ont jeté les bases, en même temps que la lutte contre Daech, d’une autonomie territoriale sur toute cette zone qui représente un tiers du territoire syrien" analyse-t-il, précisant que la solution militaire pour les kurdes n’existe plus avec un rapport de force en leur défaveur, notamment en matière de forces aériennes. "Ils ne peuvent qu’espérer une sortie diplomatique en négociant avec Damas et Moscou la possibilité de faire reculer l’armée turque".
 

"Tout le monde les a utilisés"

Les Kurdes ont appelé l’armée syrienne à l’aide pour lutter contre l’armée turque, malgré des relations compliquées. "Leur principal ennemi n’est pas Damas, même si c’est aussi un ennemi puisque c’est le gouvernement qui les opprime depuis un demi siècle. Ils sont partagés entre les revendications de droits qu’on leur refuse, et le fait de chercher un allié dans un rapport de force qui est souvent en leur défaveur" explique Olivier Piot.

Pour le journaliste, les Kurdes ont été trahis par tout le monde. "Tout le monde les a utilisés, et in fine, quand il s’agit de répondre à leurs revendications, tout le monde les abandonne. Les Russes les ont abandonnés en juillet 2018. Les Etats-Unis les abandonnent aujourd’hui, et de fait l’Europe et la France aussi. Ils arrivent toujours au deuxième rang des négociations des acteurs régionaux et nationaux, mais cela ne veut pas dire qu’ils ne jouent pas un rôle important. En dépit de toutes ces trahisons successives, il reste une possibilité de négocier, et de sauver des choses acquises depuis quatre ans en tant que minorité communautaire" conclut-il.
 

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