Aujourd'huil est tendance de dire "J'assume". D'ailleurs, on assume "tout et n'importe quoi", déplore André Guigot, dans un monde dont on sent plus facilement spectateur qu'acteur. Mais ce pourquoi le philosophe signe "Pour en finir avec l'irresponsabilité" (éd. DDB), c'est pour avertir ses contemporains. Notre société qui vit au rythme effrené du consumérisme ne donne pas aux individus le temps de se sentir responsables. Ni le silence pour s'en référer à une transcendance.
Qu'est-ce que la responsabilité? Un individu responsable, est doté d'une "conscience de soi", d'"empathie", d'une "capacité à se projeter dans l'avenir", et de la "mémoire de ses propres actes", selon les mots du philosophe, qui insiste donc sur la dimension intérieure, voire intime, du sens des responsabilités. Il parle de "responsabilité authentique". Or, la Justice aujourd'hui pose un verdict "extérieur" à celui qui est jugé, qui n'intériorise pas le sens de sa faute. "Par quel miracle est-ce qu'on attend ou une rédemption, ou un pardon, ou une renaissance quelconque, ou un dépassement du mal?"
André Guigot, qui souhaite "en finir avec une vision infantilisante de l'être humain" n'est pas tendre avec notre société matérialiste. Il observe une tendance de fond: on n'évalue aujourd'hui l'individu "qu'à l'aune de sa productivité". Dans le sport, dans la sexualité, parfois dans la famille, surtout dans l'entreprise: l'essentiel est de produire. Un matérialisme ambiant qui nous a fait passer "de l'homme perçu comme la somme de ses actes à homme perçu comme la somme de ce qu'il produit".
D'un côté "une culture de l'excuse" qui cherche à "trouver des raisons d'être à des actes inqualifiables", de l'autre, la "tentation punitive qui ne cherche pas la part de finitude et de faute en chacun". Ainsi André Guigot dresse-t-il le portrait d'une société prise au piège. Et qui se trouve selon lui à "un carrefour" dont les enjeux sont déterminants. S'il est urgent de "redéfinir la responsabilité" c'est que le prix de l'irresponsabilité c'est la "souffrance", dit-il.
Dans une société où tout est permis puisque assumé, où tout est envisageable puisque le sens de la punition n'atteint pas la conscience, à qui s'en remettre? Devant qui être responsable? Le philosophe a été puiser la réponse dans les traditions monothéistes: "Je ne vois pas devant qui être responsable indépendemment d'une certaine vision spirituelle de l'existence." Ce qu'il faut retrouver c'est "une transcendance effective qui nous renvoie à une intériorité, éventuellement un silence".
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