On les appelle des migrants. Venus de loin, de très loin parfois, ils errent, ils sont à côté de nous, visibles, invisibles. Des hommes des femmes et des enfants qui vivent sous des tentes, des cabanes ou des cartons ; on s'émeut, on oublie, on passe, indifférent. Certains ont traversé le désert, retenus, presque esclaves, en Libye. D'autres sont des rescapés, ils n'ont pas sombré dans le grand cimetière qu'est devenue la Méditerranée. Ils sont entassés à Calais ou ailleurs et traversent ce que le froid jargon des experts appelle "la crise migratoire". Quelques fois, des voix puissantes s'élèvent - pour exorciser un discours haineux qui semble l'emporter en Autriche, en Hongrie, en Italie et ailleurs - parmi ces voix, celle de Mgr Benoist de Sinety, auteur de "Il faut que des voix s'élèvent" (éd. Flammarion).
Ce titre "Il faut que des voix s'élèvent" résonne comme une injonction, un impératif, une urgence. Dans son ouvrage, Benoist de Sinety lance un appel à la société civile, là où les religions ont une place singulière, un appel à prendre le relais pour défendre les migrants.
Le / notre silence et les / nos peurs : c'est aussi ce que vise Mgr de Sinety. "La pire des choses comme dans tout domaine, c'est le silence et c'est malheureusement de silence dont souvent on entoure depuis quelques temps la situation de tous ces hommes, de ces femmes, de ces enfants... Soit on fait peur soit on se tait : c'est cette peur que je voudrais qu'on arrive à dépasser, et ce silence que je voudrais qu'on arrive à briser." Un appel que le vicaire général ne lance pas depuis une posture de militant, mais d'observateur : "J'observe, j'accueille et je rends compte", dit-il.
De ces situations qu'il a vues de ses yeux : l'avenue de Flandre en plein XIXe arrondissement de Paris occupée par des milliers d'hommes et de femmes à l'été 2017 ; la détresse de la jeunesse africaine qui se retrouve sans ressources en France qu'ila accompagnée en tant que prêtre...
En janvier 2017, le magazine Pèlerin publiait les résultats d'une grande enquête sur les catholiques de notre pays. Enquête qui révélait une perception mitigée du pape François chez les catholiques de France, notamment en raison de ses propos sur l'accueil des migrants, qui suscitent une certaine défiance chez ceux qui perçoivent l'arrivée des migrants comme une menace.
Le vicaire apostolique ne nie pas le contexte dans lequel vivent beaucoup de personnes en France. "Beaucoup de gens dans ce pays souffrent, ont une vie difficile matérielle, affective, sociale... Ils sont inquiets pour eux-mêmes et pour leurs enfants, ils se disent : 'tous ces gens qui arrivent, déjà qu'on n'y arrive pas, comment on va y arriver avec eux en plus ?' C'est très déchirant pour le cœur du chrétien, on se sent coupable."
"Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ", clamait Jean Paul II lors de sa messe d'intronisation. Cela signifie, explique Benoist de Sinety, que "pour les chrétiens nous avons à nous fier en la capacité du Christ à conduire l'histoire des hommes et nous avons à chercher à coopérer avec le Christ pour que cette histoire puisse conduire les hommes vers le meilleur".
"Le fait que des gens migrent ne me plaît pas, ça ne me réjouit pas : ni pour eux ni pour nous, ça révèle un problème, ça révèle des fractures dans notre monde, des souffrances, des luttes, des guerres, des douleurs." Malgré tous les discours apocalyptiques pour nous décourager, il est à la portée de chacun de constater comment les uns et les autres nous sommes capables de nous entraider. Dans le XIXe arrondissement, "loin de susciter une guerre civile ou des actions violentes, les gens aidaient". Aider jusqu'où ? On est si peu de chose devant l'ampleur de ces détresses. "On est tous traversés par cette tension-là, par cette fracture-là, mais ceci dit ça n'empêche jamais d'aider l'autre."
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