Émission présentée par Charles Delhez, Vincent Delcorps, Myriam Tonus, Christophe D'Aloisio, Isabelle Detavernier, Éric de Beukelaer
Chaque jour, un regard sur l'actualité en Belgique avec nos éditorialistes.
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11 avril 2023
Eric de Beukelaer : Octave de Paques
L'édito de la matinale3 min
3 min
Eric de Beukelaer, vicaire général de Liège, nous rappelle que la fête de Pâques ne s’arrête pas le week-end de Pâques. La résurrection du christ est célébrée pendant huit jours : c’est l’octave pascale.
La modernité a opéré un déplacement de Dieu vers l'homme, observent les sociologues. Le corps est désormais valorisé au détriment de l'âme, alors qu'il fut jadis méprisé en son nom. Ce dualisme corps-âme est hérité de Platon. Celui-ci voyait le corps comme le tombeau de l'âme et pouvait jouer sur les mots grecs soma et sèma. Pour la Bible, l'homme est profondément un, mais il peut être approché sous deux angles, celui de sa condition biologique et mortelle, et celui de sa dimension spirituelle et divine. Je suis mon corps bien plus que "j'ai mon corps". Il n'est donc pas un objet que je posséderais, un objet de plaisir, manipulable, transformable par les technosciences, voire dépassé par le Transhumanisme. Il est nous-mêmes, vu sous l'angle de notre fragilité. Mon corps est le lieu de mon devenir, il est ma personne visible, située quelque part, à un moment précis. Dans ses lettres, saint Paul parle du corps psychique et du corps spirituel – que l'on traduit parfois par corps périssable et corps impérissable. Et dans son prologue, Jean va jusqu'à dire que le Verbe, la Parole de Dieu, s'est fait chair, il s'est incarné, ce que l'on proclame encore dans le Credo. Le corps humain en acquiert une incroyable noblesse. L'Écriture sainte accorde au corps "une valeur qu'aucune religion n'avait osé lui accorder", insiste Xavier Lacroix. Saint Paul ne dira-t-il pas que ce corps est le temple de l'Esprit ? Le christianisme est donc la religion de l'Incarnation. Que Dieu se soit fait homme est en effet grandiose. Mais cette foi a dû s'exprimer dans la culture de son temps marquée par des conceptions négatives du corps. Ainsi le néoplatonisme, le stoïcisme, le manichéisme, la gnose… Le philosophe Celse, par exemple, se moquait des chrétiens, les qualifiant de "peuple qui aime le corps". À l'époque, c'était l'âme qu'il fallait aimer. Ce corps, nous le retrouvons tout au long de la passion. Déjà le Jeudi saint, Jésus prend le pain en main, le partage, comme on prend sa vie en main, et le donne en disant : "Ceci est mon corps livré pour vous." Traduisons : Ceci, c'est ma personne, c'est moi-même que j'offre pour vous. Le Vendredi saint, nous voyons ce corps, qui a été crucifié, être déposé dans un tombeau. Quand, au troisième jour, le premier de la semaine, des femmes s'en vont pour embaumer le corps de Jésus, elles ne le trouvent pas. Où est-il ? La réponse sera donnée par les apparitions aux femmes et aux disciples. Les évangélistes soulignent cependant que le corps du Christ ressuscité, s'il est bien réel, n'est plus soumis aux mêmes conditions d'existence. Ce n'est plus un corps périssable, dirait saint Paul, mais un corps de gloire, un corps spirituel. L'histoire ne s'arrête pas là. La résurrection se prolonge en nous. Notre corps sera aussi transformé en corps de gloire, spirituel, incorruptible, selon la vision de Paul. Quand on parle de la résurrection de la chair, il ne s'agit en effet pas d'un concept matériel ou biologique. Ce qui traverse la mort, c'est tout ce que nous avons vécu, comme personne, dans la chair. Ainsi, Jésus ressuscité montre ses plaies, traces de son amour, de sa vie offerte jusqu'au bout. Nous pourrons nous présenter à Dieu tels que nous sommes devenus au fil du temps, grâce à tous nos gestes d'amour. "Semé corps périssable, il ressuscite corps spirituel", écrit l'apôtre aux Corinthiens. Quelle espérance !
Une récente étude montre qu'une majorité de Belges est tentée par une gouvernance autoritaire. L'occasion pour Myriam Tonus, théologienne et laïque dominicaine, de s'interroger sur ce mot, "autorité" et ses dérives.
Cachez ce péché ! Durant la Semaine sainte, le mot péché, "cette adoration qui se trompe d’objet", disait Marguerite Yourcenar, reviendra souvent. C'est un mot mal-aimé. On cherche dès lors à le contourner. Ainsi, l’expression "manquer sa cible", traduction du mot grec hamartia, est souvent évoquée pour nous déculpabiliser. Mais en fait, la terminologie biblique est bien plus riche. Le péché est en effet plus qu’un ratage, une distraction, un manquement. Une cinquantaine d’expressions traduisent l'opposition entre les humains ou entre eux et Dieu. Le but n’est cependant pas de culpabiliser, mais d'inviter à la conversion et à l'accueil du pardon divin. Hélas, écrivait François Varillon, “nous avons mis la culpabilité en lien avec le jugement et non avec la miséricorde”. Culpabilité est un mot ambigu. Il désigne le fait d’être coupable, d'être responsable d'un mal, mais aussi ce sentiment de gêne, de honte, cet avertissement envoyé à notre responsabilité. Il peut devenir obsédant et malsain quand on ne parvient pas à en sortir par l'aveu qui ouvre au pardon. Il s'agit alors de culpabilisation morbide. "Ne cherchons pas à bannir la Honte de notre vie intérieure, écrit Christophe André. N'ayons pas peur de la ressentir : elle peut être l'aiguillon qui nous contraint à nous pencher sur nos erreurs. Cherchons juste à ne pas lui permettre de nous dominer durablement, et à ne pas l'infliger à autrui." Il nous arrive de manquer notre cible, de nous en tromper, mais pécher c'est en viser – plus ou moins délibérément – une autre que la bonne. Nous sommes hélas capables de vouloir faire le mal — par vengeance, par exemple, ou par jalousie – et d’y arriver. Le péché est alors ce qui compromet le projet de ce Dieu qui, dès la première page de la Bible, proclame que la création est très bonne. Selon le mythe biblique de la chute d’Adam et Ève, qui représente le type de tout péché, l’homme est à la fois coupable, mais aussi victime. Ève cède au mensonge du mystérieux serpent, mais elle accepte quand même ce mensonge parce que plus intéressant pour elle que la mise en garde de Dieu. La liberté est notre plus grande dignité. Les excuses faciles ou la minimisation de notre responsabilité semblent l’oublier. Or, se dire libre suppose que nous reconnaissions nos errements volontaires, sinon, pouvons-nous nous attribuer le bien que nous faisons ? Le mal existe, c'est une évidence. Si chacun de nous en est innocent, qui donc est coupable des injustices qui défigurent notre humanité ? Les autres, sans doute ! Non. La faute est aussi un choix de ma propre liberté même si, souvent, celle-ci est affaiblie. La tentation est souvent plus forte que nous. La véritable lutte contre le péché est dès lors d’aguerrir notre liberté. Tel était précisément un des objectifs du Carême. Aujourd’hui, ce malaise par rapport au péché ne s'explique plus par la croyance en l'enfer d'un Dieu punisseur. Il est plutôt l'envers de cette conviction profondément chrétienne que tout ratage, coupable ou non, n'est jamais aux yeux de Dieu le dernier mot de notre histoire. Dieu n'est-il pas amour et donc pardon ? "Ce sont les bras ouverts de Dieu qui nous révèle notre péché", écrit de belle façon Louis-Marie Chauvet. Et si, grâce à Dieu, le péché pouvait devenir ce fumier où poussent de très belles plantes ? Charles Delhez sj
Petit pays, empreinte carbone énorme! La Belgique a déjà atteint son "jour du dépassement" le 26 mars. Si tout le monde vivait et consommait ainsi, on aurait besoin de 4,5 planètes! Isabelle Detavernier, pasteure à l'église Bruxelles Botanique et membre de l'ACAT Belgique (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), s'en inquiète.
Christophe d'Aloisio : 7ème "anniversaire" des attentats du 22 mars
L'édito de la matinale3 min
3 min
Christophe d'Aloisio, théologien orthodoxe et membre de l'ACAT Belgique (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture), revient sur les attentats du 22 mars 2016, qui ont fait 32 morts, il y a 7 ans.
Pour Myriam Tonus, théologienne et laïque dominicaine, "nous vivons dans un monde rempli" et nous avons peur du vide, du silence, de l'absence, de la solitude, mais encore plus de l'échec.
Vincent Delcorps, directeur de la rédaction de CathoBel, valorise le catéchuménat, c'est-à-dire ce temps pour les adultes désireux de devenir chrétiens et de recevoir les sacrements d'initiation chrétienne.
Pour Isabelle Detavernier, pasteure à l'église Bruxelles Botanique et membre de l'ACAT Belgique (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) , rien de mieux qu'une cure de gingembre et citron! Pour elle, ce temps de Carême est le moment propice à ces cures de détox intérieure et spirituelle.
13 mars 2013. Voici dix ans. En une apparition à la loggia de Saint-Pierre, un homme a changé le style de la papauté et même de l'Église. Bona sera, et le ton était donné. On ne s'attendait pas à un pape venu de si loin, si différent, tellement aimé mais aussi critiqué, si audacieux parfois et si proche des gens, et surtout des pauvres. Son premier déplacement fut pour les migrants de l'île de Lampedusa, à l'image de ses voyages ultérieurs. Il privilégie toujours les situations difficiles : l'Irak, le Canada, la république démocratique du Congo, le Soudan… François a donné à la communication son empreinte très personnelle, suscitant parfois de la confusion. Ses improvisations ont pu lui jouer des tours, mais qui ne risque rien n'a rien, dit-on. Les gestes forts n'ont pas manqué. En plein cœur de la pandémie, sa prière solitaire sur la place Saint-Pierre reste gravée dans les mémoires. Et aussi toutes ces rencontres avec les victimes des abus de toutes sortes. Certains prévoyaient un pontificat bref et nous voilà 10 ans plus tard. Il est trop tôt pour faire un bilan, le pape ne cessant de répéter qu'il ne démissionnera pas, sauf problèmes de santé. Soulignons quand même quelques éléments. Sa priorité aux pauvres, tout d'abord. L'Église est pour eux. Sa réforme de la Curie, ensuite. Il n'y a pas été de main morte, labousculant notamment dans ses discours. Au sein de l'Église elle-même, il a causé des divisions, prenant clairement parti pour la liturgie de Vatican II et revenant sur une décision de Benoît XVI. C'est que François continue imperturbablement dans la direction prise par le Concile. Mentionnons ses initiatives pour la paix en Ukraine, son dialogue avec les autres Églises et religions, son souci de l'écologie et de la fraternité, sujets de deux encycliques. Une de ses initiatives les plus puissantes est sans doute celle du prochain synode sur la synodalité dans l'Église. Lancer une consultation mondiale quand on est plus d'1 milliard 4 de catholiques est d'une audace incroyable. Par ailleurs, jamais, me semble-t-il, un pape n'a été aussi critiqué jusque par ses plus proches collaborateurs. Il a cependant suscité l'enthousiasme des foules par sa cordialité, son non- jugement, sa bonhomie à la manière de Jean XXIII, son humour, et son sens des images qui parlent. Il n';empêche, les plus progressistes auraient souhaité des réformes plus radicales, mais ils comprennent que l'immense paquebot ne vire pas si facilement de bord. Les choses avancent cependant. Ainsi, les femmes ont monté en grade à la Curie et peuvent devenir préfète de congrégations romaines. Les plus conservateurs, eux, sont parfois franchement agressifs, parlant de François comme d'un fossoyeur. Il est vrai qu'il a une tout autre vision de l'Église, celle d'un hôpital de campagne, et non celle d'un musée qui conserve jalousement dogmes et principes. "Qui suis-je pour juger ?" est sans doute sa phrase la plus célèbre. Quels seront les prochains défis ? Le plus grand est sans nul doute de réussir le prochain synode. Il y va de la communion dans l'Eglise, mise à mal par ce pape courageux, mais parfois autoritaire. Il ne faudrait pas oublier non plus la crise des abus spirituels et sexuels dans l'Église, qui est loin d'être terminée et compromet la crédibilité du catholicisme. Concluons comme François termine chacune de ses rencontres, en demandant de prier pour lui.
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