En janvier, le cardinal Barbarin s'était avancé au tribunal correctionnel le visage grave et l'air tendu. Dix mois plus tard, il apparaissait visiblement plus détendu, plus à l’aise et avec un ton plus affirmé à la barre. Sa ligne de défense n’a pas changé : Mgr Barbarin « n'arrive pas bien à voir en quoi il est coupable » et estime qu’il a fait « tout ce qu’il lui était possible de faire » à l’époque. « J’ai l’impression d’avoir agi clairement contre Bernard Preynat et d’avoir fait ce qu’on m’a demandé, a-t-il assuré, je ne sais pas ce que je n’ai pas fait ».
Pourtant lors de son interrogatoire, l'archevêque de Lyon est apparu plutôt confus dans ses explications, souvent répétitives, ne répondant jamais clairement « oui » ou « non ». Ce que n’a pas manqué de remarquer un avocat des victimes, Me Jean Boudot.
Devant les juges, Mgr Barbarin affirme « on m'a dit : "il s’est passé des trucs, des choses", c’était louche, mais je n’en savais pas plus » sur les agissements de Bernard Preynat. « Personne ne me l’a dit clairement avant Alexandre Hezez en 2014 » s’est justifié l’archevêque, tout en rejetant la responsabilité de porter plainte sur tous ceux qui savaient, comme par exemple les parents des victimes de Bernard Preynat.
Les débats sont revenus longuement sur la rencontre du 23 novembre 2014 entre Alexandre Hezez, victime du père Preynat, et Mgr Barbarin à l'archevêché. A la barre, deux versions s'affrontent. L'ancien scout, qui a ensuite porté plainte contre Bernard Preynat en 2015, a trouvé l'attitude du cardinal Barbarin légèrement changée par rapport au premier procès de janvier.
Des victimes qui ont à nouveau affirmé que c’est bien Mgr Barbarin qui aurait dû agir. « Si les différents cardinaux avaient parlé, ma vie aurait été tout autre, a témoigné Christian Burdet, ancien scout du groupe Saint-Luc. J’aurai pu me libérer d’un fardeau que je porte depuis 40 ans ». Pour Laurent Duverger, membre de la Parole libérée, le primat des Gaules aurait pu faire beaucoup plus.
Le cardinal Barbarin entouré de ses avocats, André Soulier (g.) et Jean-Félix Luciani (d.)
Après une journée où le cardinal Barbarin avait été plutôt malmené par les questions des avocats et de la Cour, où ses contradictions avaient été pointées par l’accusation, la dernière matinée d’audience lui a été plus favorable.
L’avocat général n’a requis aucune condamnation contre lui, estimant que la démarche judiciaire des anciens scouts est légitime, mais qu’elle doit rester de l’ordre du symbole. Selon le représentant du Parquet, « adapter le droit à la cause des victimes serait un risque juridique » en cas de nouvelle condamnation en appel de Mgr Barbarin, qui ferait alors jurisprudence.
Un argument repris par les avocats de l’archevêque de Lyon. « Mgr Barbarin s’est trompé, c’est une certitude, mais il a fait ce qu’il pouvait. A aucun moment il ne s’est rendu coupable d’une infraction » a plaidé Me Jean-Félix Luciani. Il a qualifié ce procès de « combat de trop » pour la Parole libérée et a souhaité qu’au moment où Mgr Barbarin quittera Lyon, « qu’il le fasse sans ce poids symbolique d’être l’incarnation du mal et de cette pédophilie qu’il n’a cessé de combattre ».
La réaction de l'un des deux avocats de Mgr Barbarin, Me Jean-Félix Luciani, à la fin du procès :
A la fin de ce deuxième procès, le cardinal Barbarin est finalement sorti affronter les journalistes par l’entrée principale de la salle d’audience, lui qui depuis janvier était toujours passé par des portes latérales. Visiblement fatigué par ce nouveau procès, il a déclaré qu'il s'en remet « à la décision de la justice ». « Je veux dire aux victimes que je ne pense qu'à elles » a-t-il ajouté, dans une voix trahissant son émotion.
L'arrêt de la Cour d'Appel de Lyon sera rendu le jeudi 30 janvier 2020 à 13h30.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !