L'UNICEF a publié cette semaine, son sixième baromètre des enfants à la rue, en partenariat avec la Fédération des acteurs de la solidarité. A l'approche de la rentrée scolaire, 2 043 enfants sont sans solution d'hébergement. Une hausse importante, de l'ordre de 120 % par rapport à 2020, alerte Julie Lignon, chargée de la lutte contre la pauvreté des enfants, à l'UNICEF France.
Malgré les engagements pris par les gouvernements successifs pour ne plus avoir aucun enfant à la rue, cette évolution est inquiétante car le sans-abrisme touche de plus en plus d'enfants très jeunes. "Le 19 août 2024, on recensait 467 enfants de moins de trois ans restés sans solution d'hébergement" précise Julie Lignon.
Pour celle qui a participé à la réalisation de ce baromètre, il y a plusieurs causes à cela. La première, c'est bien sûr l'augmentation de la pauvreté, en France. De l'avis de tous, nous ressentons encore les effets de la pandémie de Covid-19. "Les enfants sont particulièrement exposés à cette paupérisation. Aujourd'hui, en France, 9,1 millions de personnes sont en situation de pauvreté. Et parmi eux, un enfant sur cinq".
Une précarité qui a des impacts concrets sur les privations au quotidien et notamment sur les celles liées au logement, avec des familles entières qui ne parviennent pas à en trouver ou à se maintenir dedans. A cela, s'ajoute aussi la saturation du parc d'hébergement d'urgence censé servir de filet de sécurité pour ces populations, sans solution. Or, aujourd'hui, malgré un niveau historique du nombre de places d'hébergement, 203 000 places, les moyens sont manifestement insuffisants pour répondre à des besoins grandissants.
Julie Lignon observe également une hiérarchisation :
un tri des vulnérabilités se met en place avec des critères si resserrés que les enfants ne sont plus garantis d'être prioritaires et d'intégrer l'hébergement d'urgence.
2 043 enfants, un chiffre d'autant plus alarmant que ces données ne sont pas exhaustives. "Or, on sait que la Coordination nationale des jeunes exilées en danger, recensait en mars dernier 1 067 mineurs non accompagnés en recours devant le juge des enfants pour la reconnaissance de leur minorité et qui était sans protection, à la rue". Des chiffres qui ne prennent pas plus en compte les nombreuses familles qui n'appellent pas ou plus le 115 ou ne parviennent pas à le joindre. En effet, faute de suffisamment de personnels écoutants, tous les appels ne peuvent être décrochés.
Des dysfonctionnements et échecs politiques successifs face
à un nombre record d'enfants à la rue
Des moyens insuffisants pour l'hébergement d'urgence et l'accompagnement des familles hébergées ou sans domicile vers l'accès aux droits humains, mais aussi vers l'inclusion durable. On le sait, le secteur associatif souffre, en effet, d'un déficit financier et subit, par conséquent, une crise d'attractivité pour ces métiers. "Il faut aller plus loin, il en va des engagements de la France au niveau international, mais aussi de ses propres engagements au niveau national, par exemple l'engagement de zéro enfant à la rue, prononcé par le président de la République", se souvient Julie Lignon. Pour elle, il ne s'agit évidemment pas que d'argent mis sur la table, mais aussi de moyens humains.
Qui pour gérer ces sujets ? Pour l'Unicef, il s'agit bien sûr d'une responsabilité collective, car le secteur associatif ne peut être le seul à s'en charger. "L'État est garant du droit au logement et doit prendre ses responsabilités. Les conseils départements ont aussi la compétence des mineurs non accompagnés et des femmes isolées, enceintes ou avec enfants de moins de trois ans. Au vu de leur nombre grandissant, il est nécessaire que les départements renforcent leurs moyens d'action en ce sens" insiste-t-elle.
Autre problème selon la représentante de l'Unicef ; des dysfonctionnements au sein de la politique de production et d'attribution de logements sociaux, qui n'ont jamais été aussi bas. Et ce alors même que 2,6 millions de ménages français sont en attente d'un logement social. "En tant qu'organisation de la société civile, nous recommandons la mise en place d'une politique pluriannuelle de l'hébergement et du logement. Donc sortir d'une vision de court terme pour construire des réponses structurelles à cette crise. Le coût humain est conséquent pour la société, car autant d'enfants sans solution d'hébergement a des conséquences dramatiques sur leur enfance et leur avenir", conclut-elle avec regret.
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