« Si dimanche prochain devait se dérouler le premier tour de l’élection présidentielle, pour lequel des candidats suivants y aurait-il le plus de chances que vous votiez ? » L’institut de sondages Ifop a posé cette question à 1 608 Français pour le compte du Journal du dimanche et de Sud Radio. Les résultats ont été diffusés dimanche dernier. Les sondés avaient l’embarras du choix : 19 noms différents leur étaient soumis, de façon à étudier 11 hypothèses différentes. Et devinez quoi ? A la fin, c’est toujours Emmanuel Macro et Marine Le Pen qui gagnent. Quel que soit le scénario présenté, c’est le duel du deuxième tour de la présidentielle de 2017 qui serait à nouveau au deuxième tour de la présidentielle de 2022.
Or, c'est précisément le duel qu’une majorité de Français ne veut pas revivre, à en croire une flopée enquêtes précédemment réalisées sur le sujet. Ce n’est pas logique. Où est l’erreur ? Pas du côté des instituts de sondages, dont les évaluations traduisent ben l’état d’esprit de l’opinion, en général. Elle n’est pas non plus à rechercher du côté des sondés. Ils ne se sont pas trompés en répondant, ils ne sont ni plus ni moins indécis ou versatiles que la moyenne. C’est plutôt une question de tempo. Interroger les Français aujourd’hui sur leurs intentions de vote par rapport à une élection qui se tiendra dans 18 mois a du sens si l’on veut savoir ce qu’ils pensent aujourd’hui. Ça ne nous dit rien de ce qu’ils penseront demain. Et encore moins ce qu’ils voteront vraiment le jour « j ».
En ce qui concerne les élections présidentielles, toutes les prédictions formulées à plus d’un an d’un an du scrutin ne marchent pas. Avant la présidentielle de 1995, la France voulait voter Édouard Balladur. Elle a élu Jacques Chirac. Lionel Jospin donné totalement favori en 2002 s’est fait coiffer au poteau par Jean-Marie Le Pen. Tout le monde voyait Dominique Strauss-Kahn président en 2012 et c’est François Hollande qui est entré à l’Élysée. Vous rappelez-vous aussi des grands candidats « testés » par les instituts de sondages à la rentrée 2015, un an et demi avant la présidentielle de 2017. À droite, nous avions le choix entre Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. À gauche, c’était François Hollande et Manuel Valls. Aucun des quatre n’est allé jusqu’à l’élection. Aucun. La plupart des 19 noms qui figurent dans les panels de l’Ifop ne seront pas sur nos bulletins de vote en 2022. L’imprévu écrabouille les statistiques et l’improbable, même s’il n’est jamais certain, surclassera toujours les imaginations même les plus fertiles.
Ces sondages sont toutefois intéressants, Je pense même qu’ils pèsent plus lourds qu’il n’y paraît, notamment parce qu’ils ont une influence sur les résultats. De bonnes cotes de popularité, publiées des mois avant l’élection, peuvent pousser un indécis à sortir du bois. Ou imposer un « candidat naturel » à une famille politique divisée. Le sondage Ifop de dimanche dernier rend clairement service à Xavier Bertrand, par exemple, en le désignant comme principal challenger, à droite, du couple Macron – Le Pen. À l’inverse, la gauche et les écologistes sont distancés dans tous les cas de figure dans ce sondage. Même en cas de candidature unique. Anne Hidalgo est dans les choux. Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot ne font pas mieux. Ce qui devrait tous les faire réfléchir. En incitant les uns à y aller, d’autres à renoncer, ces sondages participent à écrire l’histoire qu’elles sont censées prévoir. Jusqu’à fausser leurs propres pronostics. C’est curieux quand on y pense, mais c’est comme ça. Il faut l’avoir en tête en lisant les résultats. Et ne jamais oublier qu’en politique, tout est possible. À commencer par l’impensable.
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