Abus sexuels dans l’Église : Il faut plus de vérité et de transparence

Un article rédigé par Violaine Attimont - RCF Bordeaux, le 5 juillet 2024 - Modifié le 5 juillet 2024
Émission Spéciale - GirondeLa réparation des victimes d’abus dans l’Église : où en est-on aujourd'hui ?

Après le rapport de la CIASE (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église) en 2021, le
monde a été stupéfait de constater l’ampleur des dérives qui ont pu se produire au sein de l’Église
catholique. Depuis les instances de l’Église ont pris des mesures fortes pour que cessent ces dérives. Les évêques publient l’état des résolutions prises depuis mars 2021 mais il reste encore du chemin à parcourir. Le Père Patrick Goujon (auteur de "prière de ne pas abuser") et le Père Jean Rouet, ancien coordinateur de la cellule d'écoute des victimes en Gironde, réclament plus de vérité et de transparence. 

 

Ils sont les invités d'une table ronde enregistrée le 25 juin 2024 sur le bilan de la réparation des victimes d'abus sexuels dans l'Eglise. Egalement présents autour de la table, Valentine Bück, coordinatrice de la CRR (commission reconnaissance et réparation) et Pascal Gélie, ancien élève de l’institution catholique Bétharram.

Abus sexuels dans l'Eglise  : il reste un chemin de vérité à parcourirAbus sexuels dans l'Eglise : il reste un chemin de vérité à parcourir

Une des vertus de la CIASE  (commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église)  et des mesures qui ont suivies,  a été de briser le tabou qui régnait depuis des années dans le monde ecclésial.  "La loi du silence a été majoritaire, elle a été totale pendant des années et des années", témoigne le Père Jean Rouet, ancien vicaire général du diocèse de Bordeaux et coordinateur du service d'aide aux victimes dans le diocèse de Bordeaux jusqu'en juin 2024. "Avec la CIASE, nous avons remonté aux années 1950. On a trouvé très peu de traces. Il fallait vraiment être très attentif dans les archives pour voir qu'effectivement il y avait eu des abus. En 1990, j'apprenais par les journalistes les antécédents d'un prêtre qui était mis en question. Je les apprenais par les journalistes ! Pas par l'Église, pas par les responsables, pas par les supérieurs de cet homme. Alors c'est vrai que le silence est pourchassé, mais il y a beaucoup de travail encore à faire."

Une fois le tabou brisé, la reconnaissance des victimes passe par la question de l'écoute, c'est une des recommandations de la CIASE.  Cette écoute, le père Patrick Goujon en témoigne. Professeur d'histoire de la spiritualité à la faculté Loyola à Paris, supérieur de la communauté jésuite à Oxford, il est l'auteur d'un livre témoignage "Prière de ne pas abuser" (Seuil).  "J'ai vraiment été très, très bien accueilli par l’INIRR (instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation). J'ai eu un accompagnement d'une qualité humaine absolument incroyable, donc je peux dire qu'il y a vraiment des gens très qualifiés. J'ai reçu aussi une contribution financière à la réparation qui est soutenue par l'Église. Donc, en ce sens là, je peux dire qu'il y a vraiment un grand pas en avant et ça aide beaucoup de personnes victimes."

"On est très très loin d'avoir mis en œuvre le petit début d'accompagnement et de reconnaissance des victimes"

"Cela dit, et vraiment, ça ne minimise pas le bienfait que procure cet accompagnement, ça m'a donné l'impression que l'Église catholique se dédouanait. J'ai l'impression que c'est de la "sous-traitance". Et c'est d'autant plus difficile que par les personnes victimes qui me contactent, je peux vous dire que ce que je découvre du traitement actuel dans un certain nombre de diocèses, y compris des gros diocèses qui ont des moyens et qui affichent publiquement des moyens pour l'accompagnement et l'accueil des victimes, on est très très loin d'avoir mis en œuvre le petit début d'accompagnement et de reconnaissance des victimes. Je suis frappé du nombre de personnes victimes qui me contactent et qui ont été très mal reçues. Non pas par les cellules d'écoute, mais par les autorités ecclésiales."

Ce constat d'une sous-traitance, le père Jean Rouet le reconnait - le clergé a tant de choses à faire - mais il s'y oppose. "Non, non, non. Il faut que les responsables ecclésiaux qui ont couvert pendant des décennies puissent être compromis dans l'écoute directe des personnes. Ça, ça me semble très important."

"On ne fait pas de mal à l'Eglise en signalant un de ses confrères prêtre"

Pour le père Patrick Goujon,  le clergé doit apprendre à changer de conduite. Il insiste sur un devoir de vérité et de transparence. "On ne fait pas de mal à l'Eglise en signalant un de ses confrères prêtre, parce que c'est vraiment l'ensemble de la confiance, de la foi et de l'Évangile qui est détruite en réalité. Et je pense, moi, ce qui me frappe en réfléchissant malheureusement beaucoup à ces questions là, c'est qu'on voit bien combien les hommes les plus dévoués ne croient plus à la force de la vérité et du travail de l'Esprit Saint, de la fraternité. En sauvant premièrement l'institution, c'est le meilleur moyen de la faire mourir."

Joindre la cellule d'écoute des victimes en Gironde : paroledevictimes@bordeaux.catholique.fr
Association France Victimes 01 41 83 42 17, entre 9H et 21H

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