Comment parler de photo d’actu en septembre, sans parler de ce grand festival : Visa pour l'image ? Depuis 30 ans, la ville de Perpignan expose ce qui se fait de mieux en matière de photojournalisme. Un portrait souvent dur de la planète, où on passe de conflit en conflit, de scènes de dévastation en situations humaines terribles.
Mais au milieu du chaos, c’est cette photo du reporter français Patrick Chauvel qui a particulièrement attiré mon regard.
Ce qui saute aux yeux c’est d’abord une grande couverture aux couleurs chatoyantes : rouge, rose, jaune. On y perçoit des motifs moyen-orientaux, des fleurs, des arabesques. Elle est jetée dans les airs par une jeune fille. Et elle semble danser dans le ciel. Dans son froissé, dans ses contours, on devine le mouvement. C’est joyeux, élégant. Et puis dans la moitié inférieure de l’image, on a des femmes habillées de noir, voilée de la tête au pied, serrées les unes contre les autres, les mains tendues. Elles nous tournent le dos et sont toutes dressées vers la couverture, vers la jeune fille surélevée. Quelques enfants sont tassés derrière elles. C’est triste et déprimant.
L’armée américaine était en train de bombarder ce petit coin de Syrie. Ca a duré un mois. Et cette image incongrue – une couverture légère qui vole au dessus d’une masse de femmes – témoigne d’une situation elle-aussi incongrue. C’est une ONG américaine, les Free Burma rangers, créée par un prêcheur chrétien, qui est là pour distribuer des bouteilles d’eaux et des couvertures. C’est la seule ONG qui était là-bas, tant la situation était dangereuse et la population à sauver réduite aux seules familles de djihadistes. C’était un peu dingue.
Et pas n’importe lequel. Patrick Chauvel est la figure du baroudeur. Il a 70 ans et il a parcouru le monde en guerre. Le Vietnam, quand s’affrontaient Américains, Viet Cong et Viet Minh. Il avait 18 ans et l’envie d’être là, pour voir s’il était « courageux, résistant, et invincible », dit-il. Il a été blessé par un éclat d’obus au Liban, blessé par balles en Iran, plus tard au Panama. Il a vite compris qu’il était courageux. Mais il a compris aussi que c’était un métier exigeant, qu’il avait une responsabilité. Il a alors choisi ses cadres, ses images. Pour leur donner du sens, nous aider à comprendre. Comme ici, il nous dévoile un autre aspect du conflit syrien.
Ah c’est difficile. Patrick Chauvel le dit lui-même dans une récente interview. Les photos au mur, entre un verre de rosé en terrasse et une balade dans les rues de la ville, c’est compliqué. Lui dit que ça le met « mal à l’aise ». Mais c’est une œuvre immense. Rarement exposée. Donc oui, il faut y aller. Et pour ceux qui ne sont pas dans la région, Patrick Chauvel offre ses milliers de photos au Mémorial de Caen. On annonce déjà un film et un livre. Cela permettra de se poser, de prendre le temps, de lire, de voir. Et pourquoi pas de comprendre…
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