"Nous qui étions complètement centrés sur la trisomie de Clara, ce médecin nous a remis devant cette réalité : avant d’être trisomique, Clara était un enfant, notre enfant." C’est en ces termes que Gaëlle se souvient de la naissance de Clara, son cinquième enfant. Tout s’était bien passé, Clara était née, la joie était totale. Mais, Gaëlle et Pierre, son mari, ont très vite deviné qu’il y avait un problème. Le médecin leur révèle aussi doucement que possible que Clara est handicapée, et porte donc une trisomie. Il s’excuse de devoir les quitter, mais il leur annonce qu’il repassera les voir en soirée.
La journée a été terrible, pour l’un et pour l’autre. Cette trisomie dont ils ignoraient tout a pris toute la place. Gaëlle dit avoir pleuré toute la journée, Pierre de son côté est parti s’occuper des autres enfants, en hurlant sa colère intérieure. Le soir comme promis, le médecin entre dans la chambre. Il prend des nouvelles de la maman, dont il ne peut que constater les yeux rougis, il glisse quelques mots à Pierre qui ne lui répond que par un silence accablé. Puis il s’approche du berceau de Clara et lui parle : "Clara, tu as de la chance d’être née dans cette famille. Tu y seras heureuse. Tu recevras beaucoup d’amour de tes parents, et aussi de tes frères et sœurs." Et de continuer ainsi de s’adresser à Clara avec des paroles dont ils ne se souviennent pas vraiment, mais qui transpiraient de bienveillance. "Ce qui nous a touchés, dit Gaëlle, c’est qu’il s’est adressé à elle comme une personne qui parle à une autre personne." Et Pierre de renchérir : "Nous qui étions envahis de notre malheur, ne voyant que la trisomie, il nous a centrés sur la personne de Clara et l’amour qu’elle attendait de nous."
Le témoignage de Gaëlle et Pierre nous le montre : une mauvaise nouvelle restera une mauvaise nouvelle ! Mais selon la façon de l’annoncer, un avenir s’ouvrira ou se fermera. Combien de fois, des parents ont-ils senti leur enfant condamné par une parole blessante, un évitement, une posture méprisante d’un praticien pressé de partir. Comme si cet enfant était un échec à oublier le plus vite possible. Autant dire que la blessure inéluctable sera longue à cicatriser.
Les parents ont avant tout besoin de se voir ouvrir un avenir. Besoin de découvrir que leur enfant est une personne à part entière, qui ne se résume pas à son handicap.
C’est l’affaire du corps médical bien sûr au premier chef, mais c’est aussi l’affaire de chacun de nous les proches. Dès la première visite, à l’instar de ce médecin, nous pouvons aider les parents à se décentrer du handicap, pour découvrir l’enfant. Pas besoin de bonnes paroles pour cela… On peut même pleurer avec les parents qui ont besoin que l’on partage leurs larmes… Mais le regarder comme un enfant, handicapé certes, mais un enfant avant tout, avec son mystère, qu’aucun handicap n’altèrera.
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