Des immeubles effondrés, des corps péniblement tirés des décombres, des rescapés errant au milieu des gravats… Le puissant tremblement de terre qui a frappé la Turquie et le nord de la Syrie dans la nuit de dimanche à lundi a fait place à des scènes de détresse absolue. Grâce à ses volontaires sur place, L'Œuvre d'Orient a rejoint les secours, qui s'organisent.
La terreur et la désolation. Le nord-ouest de la Syrie est en ruine depuis le passage d'un séisme d'une rare violence : la première secousse a atteint une magnitude de 7,8. L'Œuvre d'Orient, active grâce à ses volontaires sur place, soutient la population touchée dans le drame qui l'accable "Notre directeur pour la Syrie, qui est sur place à Alep, est arrivé dans la nuit avec un convoi de 5.000 couvertures. Les températures sont extrêmement basses, elles sont négatives, il fait -2, -3 dans le nord de la Syrie", déclare Mgr Pascal Gollnisch, qui dirige l'association française depuis 2010.
"Le contexte est très dur, des immeubles se sont effondrés, donc des morts ; plus de 1500 personnes sont réfugiées dans la cathédrale grecque orthodoxe d'Alep, plus de 2000 personnes dorment dans leur voiture" précise-t-il. Une situation dramatique : "Les rescapés manquent de lait maternel, de médicaments, de produits pour se chauffer." Et de clarifier la mission que s'est donnée l'association : "À terme, notre rôle sera de mettre en contact les chrétiens d'Orient avec les grands bailleurs nationaux ou européens, qui eux pourront reconstruire avec des moyens que n'a pas L'Œuvre d'Orient."
Les tensions géopolitiques compliquent considérablement le déploiement de l'aide internationale. "En Turquie, l'aide s'organise avec la communauté internationale. En Syrie, visée par des sanctions, c'est beaucoup plus compliqué. L'organisation de l'aide internationale est bien plus difficile", soupire Mgr Gollnisch. "La Croix-Rouge a demandé la levée des sanctions afin de favoriser l'acheminement. Je ne doute pas que les autorités politiques autoriseront l'aide à arriver, mais ça sera plus compliqué qu'en Turquie", craint-il, avant de compatir au sort d'une "population épuisée par plus de dix ans de guerre civile".
Depuis lundi, les autorités ecclésiales des zones sinistrées ont noué un dialogue déjà fructueux. "Les évêques des différentes Églises catholiques présentes à Alep, maronite, latine, chaldéenne, arménienne, syriaque et d'autres encore, ont créé avec les évêques orthodoxes un comité de soutien d'urgence qui s'occupera de la distribution", se félicite le prélat, avant de détailler la mission de cette nouvelle structure : "Dans ces situations, le dernier kilomètre est le plus difficile. L'enjeu est de distribuer l'aide acheminée au plus proche de la ville à ceux qui en ont besoin."
Une lutte contre le désespoir
Si une belle solidarité interreligieuse en découle, cette catastrophe humaine pourrait cependant permettre à l'organisation État islamique de reprendre du pouvoir, tout à ses efforts de reconquête territoriale. Hier, une vingtaine de ses combattants présumés, profitant du désordre, se sont enfuis d'une prison dans le nord-ouest du pays. "Daech se reconstitue aussi bien en Irak qu'en Syrie. C'est absolument préoccupant. Il se développe grâce à la misère des gens, en profitant de leur colère, et grâce au manque d'éducation", s'inquiète Mgr Gollnisch. Pour lui, L'Œuvre d'Orient a un vrai rôle à jouer dans ce domaine : "Nous agissons dans l'éducation, pour essayer de redonner un espoir aux populations. C'est une lutte contre le désespoir que nous devons d'abord mener."
Mgr Gollnisch rappelle la vocation universelle de la charité chrétienne, et par là-même de L'Œuvre d'Orient : "Le but n'est pas seulement d'aider les chrétiens, mais de former les chrétiens à aider l'ensemble de la population. C'est la raison d'être des chrétiens sur place, c'est la raison d'être de L'Œuvre d'Orient", affirme-t-il. "Les immeubles s'écroulent sans demander de certificats de baptême", insiste-t-il. La solidarité permet d'oublier, au moins pour un temps, les divisions communautaires : "Que ce drame touche tout le monde a pour effet de souder la population. Malgré quelques vols et pillages, l'ensemble de la population est solidaire. La solidarité permet de ressouder les communautés."
Les immeubles s'écroulent sans demander de certificats de baptême
Il prend pour exemple les efforts du comité d'évêques pour repérer et secourir des familles musulmanes en détresse. "Les chrétiens aident toute la population, en cela leur rôle est très important. Ils ont ce réflexe car ils sont nourris de l'Évangile. On aide un pauvre ou un malade car il est pauvre ou malade" soutient-il. Mgr Gollnisch souligne l'état de délabrement général du service public : "Des religieux, des religieuses sont là. En raison de la fragilité des structures publiques, ces communautés ont un rôle majeur dans l'aide aux plus démunis."
Les chrétiens aident toute la population
Contre la tentation de se résigner, le prêtre a l'espérance tenace. "En Syrie, il existe cinq Hope Centers, dans lesquels des jeunes adultes sont formés à reconstruire des entreprises au plus proche du terrain. Ce sont de formidables lieux d'espérance", estime-t-il. Malgré les souffrances, il croit ferme aux ressources humaines du pays : "C'est la meilleure preuve que le peuple syrien n'a pas baissé les bras, je ne doute pas qu'il y aura des gens pour reconstruire." Un courage à toute épreuve.
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