Les regards étaient posés sur les écologistes, qui ont remporté plusieurs villes en France. Des résultats qui promettent une nouvelle composition du paysage politique et écologique.
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Les écologistes ont remporté hier plusieurs grandes villes en France lors du second tour des élections municipales comme Marseille, Lyon, Bordeaux, mais aussi à la grande surprise de tous, Annecy, Tours et Strasbourg… "C’est donc une vague verte qui a submergé la France hier à l’issue des élections municipales, même si ce résultat est à tempérer par un taux d’abstention record de 60%. Si des victoires étaient attendues, un résultat aussi massif dans autant de grandes villes a surpris les observateurs", constate Anne Kerléo, rédactrice en chef écologie à RCF.
Comment expliquer ce résultat ? Qui sont les nouveaux élus ? Que vont-ils changer à notre quotidien ? Quelles mesures concrètes vont-ils prendre ? Et puis, au-delà de ces élections municipales, ce résultat va-t-il reconfigurer en profondeur la vie politique dans notre pays ? Professeur des universités à Sciences Po Grenoble, spécialiste des élections et également des politiques environnementales et de l’écologie politique, Simon Persico revient en premier lieu sur le taux d’abstention record et son impact sur les résultats de ces élections municipales.
"Tout indique, et en tout cas quand on regarde sur qui s’était passé au premier tour, que l’abstention est plutôt en faveur des écologistes. D’habitude, il y a un sous vote très fort des jeunes, c’est encore le cas, mais il y a aussi un sous vote des personnes les plus âgées. Cette sous-mobilisation des électeurs les plus âgés, joue peut-être en la défaveur des opposants aux écologistes".
Au-delà du contexte du Covid et d’un record d’abstention jamais atteint, une tendance lourde se confirme d’élection en élection : la défiance et le désintérêt envers le monde politique. La proposition écologiste permettra-t-elle de renouer la confiance et proposera-t-elle un renouvellement démocratique de nature à contrecarrer cette tendance ? "Oui, estime Simon Persico. Les écologistes sont depuis leur départ une formation politique qui porte un renouvellement démocratique très fort, ce sont les premiers à avoir parlé de 6ème République ou de démocratie participative. Les écologistes tentent beaucoup pour renouer ce lien avec les citoyens qui est distendu mais cette démocratie ne se rénove pas d’un coup de baguette magique".
Ces élections sont marquées en particulier par l’arrivée de nouvelles personnalités politiques plus jeunes, inconnues pour un certain nombre. C’est le cas de Jeanne Barseghian, future nouvelle maire de Strasbourg, de Grégory Doucet, encore inconnu il y a 6 mois à Lyon ou de Leonore Moncond’Huy à Poitiers, âgée de 30 ans. "Jusqu’à maintenant, on était plutôt sur des profils de responsables politiques qui avaient obtenu des galons petit à petit, acquis de la notoriété au niveau local et là on voit que des personnalités peuvent s’appuyer sur une dynamique nationale et monter en compétences et en responsabilité", explique Simon Persico, peu inquiet de ce renouvellement, qui a bien fonctionné selon lui, par exemple, avec le maire de Grenoble Eric Piolle. "Cette expérience a permis de mettre en oeuvre un certain nombre de bonnes pratiques". Pour autant, c’est un défi très important, car ces élus arrivent à des responsabilités qu’ils n’avaient jamais eu. "On sera assez vite fixés, pour savoir s’il s’agit d’une gouvernance efficace et à la fois transformatrice, sur la question de la transition écologique".
La progression de l’écologie se mesure-t-elle seulement aux résultats des écologistes ? "La bascule vers l’écologie s’est faite en 2017 avec l’effondrement du parti socialiste, analyse Simon Persico et puis en 2019, avec leur victoire qui est confirmée par les élections municipales. On ne saura que à partir des régionales et des futures élections présidentielles s’ils ont réussi à construire sur cette nouveauté".
D’une manière générale la préoccupation de l’urgence écologique était présente dans la plupart des programmes politiques pendant cette campagne. A Lille, Martine Aubry, tallonée par l’écologiste Stéphane Baly, va être par exemple obligée de tenir compte de la composante écologiste même si l’alliance n’a pas pu se faire.
La crise du Covid a-t-elle a accru la prise de conscience de l’urgence écologique chez certains citoyens ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer totalement, tempère Simon Persico, qui rappelle néanmoins que le succès des écologistes est encore plus important que ce à quoi s’attendaient les plus optimistes des écologistes. "Il s’est peut-être passé quelque-chose dans la tête des électeurs sur la nécessité de repenser nos modes de production, nos modes de consommation, notre impact sur la nature, le respect du vivant, le respect de la biodiversité."
Laisser la place aux mobilités douces, limiter la place de la voiture, démocratiser les institutions… Telles sont quelques-unes des grandes mesures qui seront mises en œuvre dans les municipalités conquises par les listes écologiques. Pierre Hurmic, futur nouveau maire de Bordeaux, annonçait quant à lui une première décision peut sembler atypique : confier la présidence de la commission des finances à un élu d’opposition. "C’est un signe d’ouverture, de transparence. Ça me parait essentiel dans la gouvernance moderne d’une ville".
Comment les écologistes vont-ils maintenant exister dans la vie politique nationale et en particulier dans la perspective de l’élection présidentielle dans 2 ans ? Qui pour incarner l’écologie pour cette échéance ? Un remaniement ministériel est attendu. Peut-on s’attendre à un “verdissement” du gouvernement ? Autant de questions dont les réponses se feront jour dans les mois qui viennent.
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