L’ONU demande aujourd’hui leur libération, tout comme l’ONG Reporters sans Frontières. Ce jugement témoigne d’une chape de plomb sur les médias dans ce pays. Décryptage avec Daniel Bastin, directeur du bureau Asie-Pacifique de l’ONG Reporters sans Frontières.
"C’est plus qu’inquiétant, c’est, je le crains, le début de la transition démocratique en Birmanie. Aung San Suu Kyi, de facto, la cheffe de gouvernement actuelle, par ailleurs prix Nobel de la Paix, n’a pas levé le moindre petit doigt pour défendre ces deux journalistes de Reuters emprisonnés depuis décembre dernier. Ils sont condamnés pour atteinte aux secrets d’Etat. Ils ont simplement enquêté sur un massacre qui a eu lieu le 2 septembre 2017. Leur seule crime a été de faire leur travail" explique Daniel Bastin.
"Clairement. Il faut savoir que la semaine dernière les responsables de l’ONU ont appelé à des instructions contre cinq dignitaires de l’armée birmane accusés de crime de guerre, crime contre l’humanité et génocide. Personne n’a le droit en Birmanie d’aller enquêter sur ce qui est, d’après les informations que l’on a, un génocide. C’est très grave en 2018 qu’on ne puisse pas laisser les journalistes faire la lumière sur un nettoyage ethnique" ajoute-t-il.
"C’est un message envoyé à l’ensemble des médias du monde en effet puisque les journalistes étrangers n’ont pas le droit d’enquêter sur la crise des rohigyas côté birman. C’est aussi un message clairement adressé aux journalistes birmans qui auraient des velléités de vouloir enquêter sur la question. Les contacts que nous avons au sein de la presse birmane sont tous sur la même note. Ils n’osent pas enquêter sur la question. Le résultat de cette condamnation est d’encourager l’auto-censure et d’intimider les journalistes" lance Daniel Bastin.
"Pouvoir et vouloir c’est là où est toute la question. Elle répondra, ou ceux qui la défendent répondront qu’elle reste l’esclave des militaires, de l’armée, qu’elle ne peut pas faire tout ce qu’elle veut. Il n’en reste pas moins qu’elle est la cheffe du gouvernement birman. Ne serait-ce que prendre verbalement la défense des deux journalistes aurait donné un signe en faveur de la liberté de la presse en Birmanie. Avec ce silence assourdissant, la transition démocratique est clairement en question" conclut-il.
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