J’aimerais que nous nous projetions dans le futur pour les quelques minutes que nous passons ensemble ce matin. Imaginez : Nous sommes en 2050 et le Royaume-Uni est à la veille de redevenir un Etat membre de l’UE. 30 ans après avoir quitté l’Union, c’est par un nouveau référendum qu’il a décidé de la rejoindre. Il adoptera même à cette occasion l’Euro, devenue monnaie unique de toute l’UE. Et, je ne vous parle pas d’armée européenne, car cela fait déjà plusieurs années que l’armée britannique y contribue.
L’Europe est un continent stable, prospère et qui s’évertue à être un acteur global responsable. La puissance d’équilibre qu’elle aspirait à être depuis longtemps. L’Europe a su profiter de la crise du Brexit pour repenser son projet, sa raison d’être et se réformer. La réintégration du Royaume-Uni à la famille européenne est d’autant plus simple que celui-ci n’est jamais vraiment parti. On ne saurait faire mentir la géographie.
Le tableau que vous nous peignait m’a l’air bien idyllique. N’est-il pas plus probable que le Brexit éloigne Britanniques et Européens ?
Bien sûr, le scénario que je viens de vous dépeindre n’est qu’une possibilité, qui plus est peut-être pas le plus probable aujourd’hui. Bien sûr un scénario bien plus noir est envisageable. Voyez plutôt : nous sommes en 2050 et plus personne, si ce n’est quelques étudiants en histoire, ne se souvient de ce qu’était l’Union européenne.
Il faut dire qu’encalminés dans des négociations interminables sur le Brexit, les Européens en ont oublié de s’occuper de leurs vrais problèmes. La conférence sur le futur de l’Europe est passé inaperçu, gadget démocratique de plus. Minés par leurs divergences d’intérêts immédiats, les Etats membres ont laissé le projet européen dépérir ; projet qui n’aura pas permis aux Européens de régler les grands défis du XXIème siècle.
La décarbonation de l’économie n’a bien sûr pas été atteinte et l’Union suffoque. Remarquez bien que personne ne se souvient non plus que l’Ecosse a un jour pu appartenir au Royaume-Uni. Le Royaume-Uni incapable de définir un projet national crédible a été déchiré par des forces centrifuges. Les Européens sont appauvris et divisés.
En fait, vous êtes en train de nous dire que la période qui s’ouvre avec le Brexit est cruciale non seulement pour le futur du Royaume-Uni mais aussi pour celui de l’Union européenne.
Je ne suis pas en train de vous dire que nous sommes à un moment charnière de l’histoire européenne ; l’expression est tellement galvaudée qu’elle ne veut plus rien dire. Je ne vous dirai pas non plus que le sort de l’Union sera déterminé par les négociations du Brexit, ce serait excessif. Mais, il est vrai que le Brexit a révélé la crise de sens de notre projet européen. Nous, Européens, allons devoir, un jour ou l’autre (et le plus tôt sera le mieux), redire ce que nous voulons faire ensemble. Les défis qui sont devant nous (décarbonation, numérisation, autonomie stratégique) nécessite que nous transformions notre Union.
Pour réussir à relever ces défis, il faut une culture de coopération, qui était le fondement du projet européen mais qui s’est progressivement estompée.
Finalement, le Royaume-Uni et l’Union européenne sont aujourd’hui face au même impératif de redéfinition et, que nous le voulions ou non, nos destins sont pour partie liés. La négociation de notre future relation n’est pas qu’une question commerciale. Elle est également l’opportunité de refonder nos identités. Saisissons-là !
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