À épisode régulier revient une proposition récurrente. Si récurrente que, comme à chaque fois, elle soulève de moins en moins de débats. Comme si, à force de ne jamais renoncer à poser une question dont on sait qu’elle sera rejetée, on espérait que la lassitude gagne et que le "non" général se transforme en un "oui" fatigué.
On parle désormais de drogues "récréatives". Il faut quand même du culot pour parler de drogues récréatives. Et une sacrée arrogance aussi. Il faut n’être ni pauvre ni malheureux pour penser qu’une drogue puisse être ludique. A l’heure même où, au nom du sacro-saint principe de précaution on décale le passage du Brevet pour des dizaines de milliers de collégiens, il en est qui avec le même sérieux, osent proposer de mettre en vente libre un produit illégal qui mettrait en danger d’accoutumance et de chute dans la drogue dure une foule bien plus grande. Eh bien oui, je suis exaspéré. Exaspéré de constater que parmi ceux qui gouvernent et qui décident, parmi ceux qui possèdent et qui jouissent, il y en a qui, sans vergogne, prétendent rendre légal ce qui leur fait du bien sans aucun souci de ceux à qui cela peut faire du mal.
Car quel est le sens de la loi sinon de protéger le plus faible ? Quelle est sa vocation sinon de tenter de contrebalancer les injustices sociales ? Au fallacieux prétexte que cela mettrait fin à tout trafic et que cela en plus - quel argument odieux ! - procurerait à l’Etat des revenus supplémentaires, voici nos bourgeois libertaires qui veulent s’éviter le risque d’être un jour fichés comme délinquants.
Qu’une légalisation entraîne dans le gouffre des milliers d’autres qui ne pourraient s’arrêter là et glisseraient tragiquement vers la coke ou les amphétamines, cela ne semble poser aucun cas de conscience. Pour que les plus forts jouissent sans entraves, faisons fi du sort des plus fragiles ! C’est tellement plus simple de ne pas regarder en face la tragédie qui se profile sous nos yeux, et de ne pas prendre le risque de réfléchir au pourquoi de cette invasion massive des drogues de toute sorte chez nos contemporains.
Que fuient-ils ? De quoi désespèrent-ils ? Pourquoi, à l’heure où l’on nous vend du bonheur à chaque seconde, au fond, tant de gens se sentent-ils aussi seuls et aussi tristes ? La vraie responsabilité de ceux qui nous gouvernent est de se pencher sur la société absurde qui se compose sous nos yeux, et de chercher avec d’autres, comment y remettre du sens. Plutôt que de chercher par quels gadgets on compte endormir un peu plus ceux qui voudraient tant s’éveiller.
Il y en a qui se battent : je pense à cet homme jeune et courageux que je connais et qui refuse de se laisser détruire en choisissant dans la douleur, chaque jour, de ne pas fumer une drogue qui l’abrutit et le met face au vide. S’il vit ce combat quotidien c’est pour atteindre ses rêves. C’est lui qu’il faut aider, et la foule de ses semblables, plutôt que de chercher à faciliter la vie et les loisirs de ceux qui ont déjà tant reçu et qui ne risquent rien.
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