Les 10 et 11 juin, la course d'endurance mancelle fête les cent ans de sa création. Sa 91e édition - la faute à quelques interruptions, notamment pendant la seconde guerre mondiale - devrait être chargée en souvenirs, mais aussi en annonces.
Depuis un siècle qu'elle existe, l'épreuve automobile du Mans a eu le temps d'évoluer. Le progrès technologique a fleuri, la sécurisation des lieux n'a plus rien à voir avec ce qu'elle était dans l'entre-deux-guerres, les bolides effilés et ultra-perfectionnés ont succédé aux cylindrées d'antan. Mais il y a les invariants qui façonnent le mythe. La qualité de vitrine incomparable pour les constructeurs de tous pays. Les vingt-quatre heures sans trêve. "L'adversité de la course, c'est-à-dire les températures, la pluie, la fatigue, complète le journaliste Guillaume Nédélec, chef des sports Sarthe à Ouest-France. On s'arrête le moins possible, juste pour faire le plein d'essence et changer les pneus". Il faut se rendre compte. D'autres données ne peuvent être rangées parmi les immuables. Aujourd'hui, "on peut faire plus de 4 500 kilomètres en vingt-quatre heures pour les voitures les plus rapides, souffle ce fin connaisseur du Grand Prix d'endurance. Cela correspond à aller jusqu'à New-York en voiture". En 1923, le vainqueur parcourait un peu plus de 2 200 km. Soit plutôt un Paris-Kiev, ce qui n'est déjà pas si mal. Trois pilotes se relaient aujourd'hui, contre deux jusqu'aux années 1980. "Ce n'est pas comme en Formule 1 où l'on fait une voiture juste pour une personne. Il faut que tout le monde s'y retrouve", explique Guillaume Nédélec.
On peut faire plus de 4 500 kilomètres en vingt-quatre heures pour les voitures les plus rapides
Depuis 1923, au Mans, peu d'ingrédients manquent au mythe. "Dès le milieu des années 1930, la course connaît un succès phénoménal, rappelle le journaliste, co-auteur d'un livre qui retrace un siècle de légende*. Fin des années 1960, Ford vient pour battre Ferrari, ce qu'il parviennent à faire". Avec son lot de glamour, Hollywood s'entiche du Mans. "Il y a un intérêt américain qui est très fort, et une star arrive : Steve McQueen, lequel devient le héros d'un film (Le Mans, 1971, ndlr), qui tient plus du documentaire, est extraordinaire en termes d'images et fait définitivement passer Le Mans dans la catégorie des courses légendaires". L'acteur souhaitait même disputer l'édition 1970 de la course, rêve dont il fut dissuadé par les conditions de son assurance. Voici pour les heurs.
Il y a un intérêt américain qui est très fort, et une star arrive : Steve McQueen
Voilà pour les heurts. Depuis l'origine, 21 pilotes ont laissé leur peau sur le circuit, en course ou en qualifications. Des drames heureusement bien plus rares au siècle où nous sommes, grâce aux progrès réalisés en matière de sécurité. L'horreur atteint des sommets le 11 juin 1955. Surpris par le brusque écart de la voiture qui le précède, le Français Pierre Levegh ne peut éviter la collision. Sa voiture décolle et explose à proximité du public, qui reçoit une pluie de débris. Plus de 80 morts, plus de 100 blessés, un traumatisme immense. "Ce circuit, à l'époque, a la réputation d'être l'un des plus sécurisés au monde, assure pourtant Guillaume Nédélec. Il fait ensuite une mutation profonde. On recule le public pour qu'il soit plus en retrait, on élargit la piste, retrace-t-il. Cela fait râler les photographes amateurs, il y a depuis des grillages qui protègent des débris, mais ça évite les drames".
Initialement pensées comme un test de fiabilité des voitures de série, les 24 Heures du Mans servent aujourd'hui à expérimenter la révolution verte des voitures de demain. Propulsé dans les années 2010 en Formule 1, l'hybride est désormais roi sur la boucle. "Aujourd'hui, pour gagner au Mans, vous êtes quasiment obligé d'avoir un moteur thermique et un moteur électrique, qui permet d'avoir une meilleure accélération en sortie de virage ou de stand", affirme le journaliste, également photographe. Si le 100% électrique, idéal pour la circulation en ville, est inenvisageable pour la course automobile, une autre alternative décarbonée est en train d'être mise au point. "Le circuit ne passe pas à l'électrique mais à l'hydrogène, qui est une autre façon de motoriser la mobilité", se réjouit Guillaume Nédélec.
Aujourd'hui, pour gagner au Mans, vous êtes quasiment obligé d'avoir un moteur thermique et un moteur électrique, qui permet d'avoir une meilleure accélération en sortie de virage ou de stand
Au Mans, 2023 devrait être l'année du souvenir autant que de l'avenir. "Je peux vous le dire, aujourd'hui, il va y avoir plusieurs annonces, autour du circuit, de constructeurs qui vont s'engager dans cette voie de motorisation non plus avec du pétrole, non plus avec du carburant synthétique, mais avec de l'hydrogène". Départ demain 16h, fin dimanche, à la même heure.
*Stéphane Bois, Bob Garcia, Guillaume Nédélec, 24 Heurs et malheurs du Mans, Editions du Rocher, 2023, 19,90 euros.
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