Dans les discussions et les débats sur la fin de vie, un point fait consensus : le besoin de développer les soins palliatifs en France. Selon un rapport parlementaire, vingt-et-un départements sont dépourvus d’un tel service. Une disparité territoriale qui contraste avec l’offre de soins accessible à Paris, qui accueille la plus grande unité de soins palliatifs d’Europe. Immersion au sein de la Maison médicale Jeanne Garnier, spécialisée dans l’accompagnement des patients en fin de vie.
“Un jour, une dame est arrivée seule avec sa valise. Elle nous a dit : “il faudra m’accompagner, car c’est la première fois que je meurs”. Au 106 avenue Emile Zola, dans le 15e arrondissement de Paris, l’imposant bâtiment de trois étages surplombe l’extérieur, dans lequel familles et amis arpentent lentement les allées du jardin verdoyant. L'atmosphère paisible offerte par la Maison médicale Jeanne Garnier tranche avec le rythme énergique et presque nerveux observé hors les murs, imposé par la capitale.
Fondée en 1874 par celle qui lui a donné son nom, la Maison médicale Jeanne Garnier est aujourd’hui une référence en matière de soins palliatifs en France et en Europe. Les 81 lits de l’établissement de santé voient passer 1300 patients par an, avec une durée moyenne de séjour de 16 jours. Au sein de l’unité Saint-Joseph, au premier étage, la mort est dans toutes les bouches, à tel point que le mot n’est plus un tabou. “À la fin de la vie, toutes ces questions-là prennent beaucoup plus de place”, souffle Lorraine, en blouse blanche, et infirmière dans l’établissement depuis sept ans.
Toutes ces questions qui font l’actualité depuis des semaines, du lancement de la Convention citoyenne sur la fin de vie, à la promesse d’Emmanuel Macron d’un projet de loi “d’ici la fin de l’été”, sont au cœur des discussions du personnel soignant de la Maison Jeanne Garnier. Pour la plupart, voir la société s’emparer du débat est déjà une réussite. “Notre société cache ses morts”, glisse une infirmière. “Ils sont barricadés”, renchérit une bénévole qui passait par là. “La mort fait peur, ça n’a rien de neuf”, justifie Sophie, bénévole stagiaire à l'aumônerie depuis quelques semaines. “Mon histoire ici rejoint celle de Jeanne Garnier, j’ai perdu mon mari que j’ai accompagné jusqu’au bout”.
Six unités de treize ou quatorze lits sont répartis en trois étages avec une promesse de soins de confort. De la pratique de l’art-thérapie, à de simples conversations avec les bénévoles, tout est fait pour rappeler que la société civile est toujours présente dans les derniers instants. Depuis des années, eux aussi - les bénévoles - rythment la vie de l’établissement de santé.
Mireille Mion est membre de la congrégation religieuse des Xavières. La congrégation est reconnue par l’Église catholique pendant le concile Vatican II. C’est aussi de là qu’elle trouve sa légitimité pour reprendre la responsabilité des bénévoles de la maison médicale. Aujourd’hui, au même titre que les infirmières et tout le personnel soignant, les bénévoles trouvent leur place dans l’enceinte de l’établissement. “La mission des bénévoles est à la fois d’apporter une écoute disponible, qui n’est pas professionnelle, mais aussi d’incarner la société civile pour montrer que l’on s’intéresse à tous ceux qui sont là”, raconte Lorraine, salariée.
Un étage plus bas, alors que la messe se termine, Sabine justifie sa présence ici. “On est avant tout ici pour écouter les personnes qui en font la demande. Sur les 81 lits, il y a en moyenne quinze ou vingt portes qui acceptent que l’on pousse les portes”, raconte Sabine, bénévole de l'aumônerie. “On s’adapte aux besoins des patients”, poursuit-elle.
“Souvent, quand on se présente comme aumônerie catholique, beaucoup disent ‘ah mais vous savez j’ai été élevé dans la religion catholique mais pour telle ou telle raison j’ai tout laissé tomber’. On leur dit un “je vous salue marie” et tout revient très vite”, sourit Sabine, bénévole.
En fin de vie, les questions existentielles, philosophiques, spirituelles et religieuses s’exacerbent. Et la Maison Jeanne Garnier, d’inspiration chrétienne catholique l’a bien compris. La chapelle, située au rez-de-chaussée une fois le jardin traversé, justifie cette présence de Dieu. Bien que “toutes les religions sont la bienvenue et que les seuls critères d’entrées sont médicaux”, la dimension catholique et la présence du Père Albert, aumônier de l’établissement de santé, rappelle l’histoire de Jeanne Garnier.
“La messe est célébrée trois fois par semaine. Il y a une présence religieuse importante”, détaille l'aumônier qui lui aussi va rencontrer les malades. “Souvent, les patients me parlent de la mort. Ils me demandent ‘mais mon Père, qu’est ce que l’Évangile nous dit ? Quelle lumière elle apporte ?’. Et là vraiment, ce que le Christ nous dit est véritablement quelque chose qui apporte des réponses”, expose-t-il. Avant de conclure : “Cela permet à des gens de vivre des derniers instants de leur vie dans la paix. Car ils savent qu’ils sont dans les bras d’un Dieu qui les aime".
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