Le 21 mars 2024, les sénateurs ont voté contre la ratification du CETA. Un accord de libre-échange entre l'Europe et le Canada que le sénateur Duplomb dénonce depuis plusieurs années. Le parlementaire Les Républicains de Haute-Loire est aussi agriculteur et il estime que l'Europe est "naïve" et que le texte est "totalement déséquilibré". Il l'explique au micro de Stéphane Longin.
Laurent Duplomb, vous qualifiez le CETA de « déséquilibré et de nocif pour l’agriculture française », pourquoi ?
Pour plusieurs raisons. Premièrement ça fait 6 ans que je dis qu'on ne peut pas retrouver une compétitivité au niveau de la ferme France si on continue d'avoir cette naïveté coupable qui consiste à interdire chez nous une multitude de pratiques, à mettre de plus en plus de contraintes, à être de plus en plus dans la réglementation, à contrôler sans cesse et à côté de laisser par le biais des contrats de libre-échange rentrer des produits qui ne respectent pas nos normes.
Le problème ce sont les normes françaises ou les accords internationaux ?
Ce qu'il faut c'est de la loyauté ! La loyauté c'est que si nous avons des contraintes particulières il faut les faire respecter. Et aujourd’hui ce n'est pas le cas. Mais on peut aussi se poser la question de savoir si on n’en fait pas trop chez nous ? Et dans ce cas-là détendre un peu la situation en diminuant un peu le système normatif et diminuer les contrôles pour retrouver de la compétitivité. Mais la réalité d'aujourd'hui c'est qu'on fait ni l'un ni l'autre.
A qui viendrait l'idée d'acheter des voitures chinoises qui n'ont pas de ceintures de sécurité ? Personne ! Et pourtant c'est ce qu'on fait avec l'alimentation donc on ne peut pas continuer comme ça…
Les accords protègent aussi certaines productions comme la Lentille Verte du Puy et son AOP.
Aujourd’hui une lentille sur 3 est canadienne et c’est un chiffre qui ne cesse de progresser. Parce que nous ne cessons de diminuer notre production en France et que les lentilles importées entre en Europe avec jusqu'à 10 microgrammes de glyphosate au kilo. Alors qu’en France la limite autorisée est de zéro. Donc oui, d’un côté on protège l’AOP de la Lentille Verte du Puy mais c’est aussi une concurrence déloyale pour nos producteurs.
Deux mois après les manifestations des agriculteurs. La crise est-elle réglée ?
Non, et je pense que le mouvement est prêt à repartir à n'importe quel moment. Il suffirait d'une étincelle pour que ce soit le cas. Ce mouvement il avait comme point de convergence la problématique de la réglementation. C'est-à-dire beaucoup trop de normes, beaucoup trop de règles et une réglementation qui est extrêmement dure pour tous ceux qui font quelque chose et en particulier les agriculteurs. Mais aussi contrôle administratif beaucoup trop prégnant. Alors, aujourd’hui, ils ont détendu la situation, ils n’osent pas trop aller sur les différentes exploitations… Mais ils reprendront les mêmes pratiques et comme les mêmes pratiques causeront les mêmes effets je suis persuadé que ça repartira…
Vous réclamez d’ailleurs la suppression de l’Office Français de la Biodiversité (OFB) ?
Oui j’ai écrit un article de loi pour supprimer l’OFB et revenir au système qui était en place auparavant. J'ai fait cela parce que je trouve que dans un pays comme la nôtre on ne peut pas accepter de continuer d'avoir des gens qui sont armés avec leur revolver à la ceinture et qui viennent contrôler des agriculteurs.
Les agriculteurs se sentent menacés ?
Oui je pense que les agriculteurs se sentent parfois menacés. Et c'est la crainte de finir au tribunal pour avoir curé un fossé 20cm trop profond… il ne peut pas travailler tous les jours ses parcelles en se disant qu’il risque d'aller au tribunal du jour au lendemain.
Il ne faut plus de contrôles ?
Si, on ne peut pas donner des fonds publics sans contrôle donc bien sûr qu'il faut un contrôle. Mais aujourd’hui vous avez un satellite qui tourne au-dessus de votre tête et qui prend 2 à 3 photos par semaine de votre exploitation. Ce qui fait que deux à trois fois par semaine on sait exactement ce que vous avez fait dans votre champ. C’est-à-dire qu'on est dans une République où, d'un certain côté, on n’est un capable de savoir où sont les points de deal mais d’un autre où les agriculteurs sont contrôlés en permanence.
Autre sujet d’actualité, le déficit de la France qui pourrait atteindre la barre des 5,6% en 2023. C’est inquiétant ?
Oui car 5,6% de déficit c’est 173 milliards d'euros cette année et 9 milliards de plus que ce qui était prévu ! Donc, à un moment donné il faut arrêter de dépenser car en 2027 nous paierons 83 milliards d’euros d'intérêt par an… Ce sera le plus gros budget de la France devant l'éducation nationale… donc on a besoin de faire des économies. Et pour ça, c'est assez simple, il faut arrêter de donner à des personnes au RSA ou au chômage des choses qui ne servent pas. En fait d'un côté on a les entreprises qui ne trouvent pas de salariés et qui ont des difficultés pour pouvoir ces postes vacants et de l'autre côté on a des gens qui ne répondent pas aux offres d'emploi. Je le vois partout quand je me déplace sur le département de la Haute-Loire. C'est plus possible !
Le gouvernement laisse entendre que l’effort devra également être porté par les collectivités locales. Elles ont encore la capacité de faire des économies ?
Déjà je ne suis pas étonné parce que ce gouvernement a toujours une capacité plus simple à faire reposer les problèmes sur les collectivités… Alors oui, les collectivités peuvent faire des économies, moi j'ai été maire de Saint-Paulien pendant quelques années et je reste encore conseiller municipal et rapporteur du budget. Nous n’avons pas augmenté les impôts depuis 42 ans car ce n'est pas ma façon de faire de la politique et je déteste parce que c'est la solution de simplicité. Par contre se poser la question sur la masse salariale, sur le nombre de personnes embauchées dans la collectivité, je pense que c'est quelque chose qu'il faudra qu'on fasse. La question sur les frais de fonctionnement également avec une multitude de services qui sont apportés à la population sans contrepartie financière et qui parfois coûte très cher.
Mais avant que les collectivités locales passent au trapèze je pense que le gouvernement peut en faire beaucoup !
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