Dès le début du film, Nedjma, l’héroïne, voit des affichettes prônant le port obligatoire du hijab placardées sur les murs de son université. Mais elle et ses amies sont des « papichas ». C’est le mot qu’on utilise à Alger pour parler des jolies filles qui aiment rire et faire la fête.
La première séquence commence par un plan noir, où l’on entend des rires étouffés de filles en train de faire le mur de leur internat, puis on les voit sauter dans un taxi clandestin qui les attend, se maquiller, se changer et essayer leurs bijoux.
Nedjma elle, aime aussi la mode et elle coud des robes qu’elle vend à ses copines dans les boites de nuit où elles sortent. Mais elle décide alors, face à la montée des extrémistes, d’organiser un défilé de mode ; et ce qui au départ, était juste un talent pour Nedjma va devenir un moyen de résistance.
C’est un film fort, c’est un film de combat pour la liberté, mais surtout contre la peur. Face à la violence meurtrière, les filles opposent leur vitalité, leurs espoirs, puis leur colère qui devient une rage, mais une rage créatrice. Les scènes sont tournées en gros plan, dans un rythme très intense et rapide, qui ne laisse pas beaucoup le temps à la réflexion, mais qui restitue l’émotion qui fut celle de toute une génération !
Et c’est un contexte que Mounia Meddour connait bien puisqu’elle a grandi en Algérie et qu’elle-même était étudiante à Alger au moment de la guerre civile.
Disons que c’est plus complexe quand même ! Parce que dans le film par exemple, les premières qu’on voit arriver en hijab pour inspecter les dortoirs ou interrompre les cours, ce sont des femmes!
Mais, avec « Papicha », Mounia Meddour frappe fort et rejoint la cinéaste turque Deniz Ergüven qui avait marqué les esprits en 2015 avec « Mustang », un premier film aussi, ou Céline Sciamma avec « Bande de Filles » qui en 2014, filmait ce qui se passaient dans les banlieues françaises.
Elles ont toutes en commun de diffuser dans leur film, une énergie vitale puissante, où la vie ne cède jamais devant la mort.
C’est encore un souvenir relativement récent et douloureux pour la population algérienne. Mais une génération a passé, et la réalisatrice dit avoir eu besoin de ce temps pour faire le deuil de cette jeunesse. Elle a mis six ans à finaliser ce projet, jusqu’au Festival de Cannes où « Papicha » a été projeté cette année, dans la sélection Un Certain Regard. Depuis, il a été primé à Angoulême et il vient de recevoir la semaine dernière le Grand Prix des lectrices de Elle.
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