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Colère au Vénézuela

RCF,  - Modifié le 25 janvier 2019
Ce vendredi David Groison parle d'une photographie prise pendant des manifestations au Vénézuela.
Carlos García Rawlins/ReutersCarlos García Rawlins/Reuters

David cette semaine, vous avez choisi une photo du Vénézuela, où depuis plusieurs semaines la population manifeste violemment contre le president Maduro.

C’est une photo classique de manifestation. Une variation autour d’un thème connu : garçon en colère lançant un projectile sur les forces de l’ordre. On retrouve la même image dans toutes les émeutes du monde, en France, aux Etats-Unis, ou au Venezuela. Mais cette version là est particulièrement forte, car le photographe a su capter le moment où le geste du jeune homme est gracieux : légèrement penché en arrière, le bassin pris dans un mouvement de torsion, le dos cambré, le bras sur le point de lancer une bouteille vide… C’est presque une photo sportive, un athlète qui s’apprête à lancer un poids. D’ailleurs, le garçon est torse nu, ses muscles saillants. Il est particulièrement bien dessiné. Il y a de la séduction dans ce corps là.
 
Dans le corps peut être... Mais pas dans le visage, on ne le voit pas, il est enveloppé dans un grand tissu noir. 
 
Oui, mais étonnement, peut-être, cela donne un pouvoir supplémentaire à cette image. Ne pas voir son visage attise notre curiosité. Et rien ne nous permet de résoudre le mystère. L’arrière-plan est flou. On n’a pas d’éléments visuels pour situer la scène. Pour arriver à saisir le geste du jeune homme, la vitesse de l’obturateur doit être très rapide. Afin qu’il y ait assez de lumière qui rentre dans l’appareil, le diaphragme doit être bien ouvert, ce qui empêche d’avoir une grande profondeur de champs. Cela rend l’arrière-plan flou. Et nous oblige à fixer la partie nette : ce garçon en colère. On remarque à peine qu’il y a deux autres garçons dans l’image…
 
On peut seulement voir qu’ils jettent des bouteilles. Je ne suis pas un spécialiste des manifs – mais quand on dissimule son visage, c’est pour se protéger des gaz lacrymogènes. Là, on ne voit aucune fumée. Et ce sont les yeux qu’il faudrait protéger… Pas le menton ! Ils dissimulent vraisemblablement leurs visages pour n’être pas reconnus des gardes nationaux qu’ils agressent. A  Caracas, capitale du Venezuela où des manifestations ont lieu pour dénoncer la réélection du président Maduro, mieux vaut ne pas trop montrer son visage, quand on fait parti de l’opposition…
 
Enfin l'opposition... On ne sait plus trop qui est la majorité, qui est l'opposition.

Vous avez raison Stéphanie de me reprendre. Le chef de l’opposition, Juan Guaido, s’est autoproclamé mercredi "président" par intérim. Les Etats-Unis et ses alliés régionaux se sont empressés de le reconnaître. Mais même s’il est contesté par la rue, Nicolas Maduro veut garder le pouvoir. Le ministre de la défense, entouré des généraux, a dénoncé un coup d’état. Russes et chinois ont dénoncé des ingérences extérieures au Venezuela. Les Européens, eux, n’ont pas reconnu Juan Guaido comme président, même pas interim. Mais ils disent comprendre la colère d’un peuple qui meurt de faim. Pénurie de nourriture, pénurie de médicaments. Inflation dingue de plusieurs milliers de pourcent. Emmanuel Macron lui a assuré dans un tweet hier : "Je salue le courage des centaines de milliers de Vénézuéliens qui marchent pour leur liberté" face à "l’élection illégitime de Nicolas Maduro". Il a au fond compris la colère de ce garçon qui lance une bouteille sur les forces de l’ordre. Autres lieux, autre contexte, autre constat.

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