"Nous avons mis en place un centre de tri qui vise à recevoir tous les patients suspectés d'être positifs au Covid-19. Ce centre est animé par tous les médecins du CHU, y compris les jeunes internes qui s'investissent de façon très impressionnante. On reçoit beaucoup de patients. Hier, en six heures, j'ai reçu seize patients" explique Stéphane Velut au sujet de son lieu de travail. Il est médecin, chef du service de neurochirurgie du CHU de Tours, homme de lettres qui démontre l'incurie de l'hôpital public, auteur de "Echec au Roi" et de "L'hôpital, une nouvelle industrie" (éd. Gallimard)
Lundi, on apprenait le décès de quatre médecins en France, des suites du Covid-19. Quand on est soignant, on est régulièrement confrontés à la mort. Moins à sa propre mort. " Je n'ai pas rencontré parmi tout le personnel paramédical, de craintes. Je ne rencontre pas d'inquiétudes sur leur propre santé. On y va sans craintes. On n'est pas singulier. On fait partie de la population, et on sait qu'il y a un risque. Mais il y a aussi un risque à sortir de chez soi, sans masque, pour une raison inutile. Le risque existe partout. Il faut que les gens comprennent qu'il ne faut plus sortir" ajoute-t-il.
Cette crise met à mal un hôpital qui était déjà en crise avant l'apparition du Covid-19. "Il y a des problèmes d'organisation. Quand il s'agit de recevoir des patients inattendus, il faut déprogrammer d'autres patients que l'on devait traiter à froid. Il faut tout annuler, il faut expliquer pourquoi. Mais cela pose des problèmes, tout de même. Ces malades là attendent d'être opérés une pathologie bénigne. Mais dans mon service, nous avons annulé 90% de notre activité opératoire froide. C'est très difficile à gérer" lance encore Stéphane Velut.
S'agissant des applaudissements que la population envoie tous les soirs à 20h, Stéphane Velut confirme être ému. "C'est pour cela qu'on a le sourire. C'es touchant. On est porté par cette vague qui ne disparaîtra pas après l'épidémie. Les Français aiment le corps soignant, leurs blouses blanches, le système public. Ils savent qu'on est compétent, qu'on est là. C'est peut-être cela qui fait que l'on travaille de façon enthousiaste. Il y a presque un petit bonheur à rendre service, c'est tout simple".
Indépendamment de cela, le praticien dénonce la gestion de l'hôpital public. "Cela fait une trentaine d'années que nous sommes gouvernés par des haut-fonctionnaires. Ce sont des gens qui bien souvent ont fait l'ENA. Après cette crise que j'espère courte, on va devoir faire les comptes, faire un retour sur image de ce qui s'est passé" analyse le médecin, pour qui la crise du coronavirus permettra de dresser un portrait bien malade de l'hôpital en France. Pour lui, le corps politique a investi, voire profité, de l'abnégation du corps médical.
"Nous adorons les flux d'objets, d'être humains. Nous ne supportons plus de nous arrêter. Et là, ce virus nous dit stop, la nature nous demande de nous arrêter et d'arrêter les flux. C'est une particule inerte qui est pour nous parfaitement invisible, qui dit au monde entier, stop, calmez-vous, arrêtez" conclut le praticien.
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