J’ai l’impression que ça va nous faire du bien, de sourire un peu. En premier lieu notre œil est attiré par une immense main. Elle est en noir en blanc alors que le reste de l’image est en couleur. Il ne faut qu’un instant pour comprendre qu’il s’agit d’une peinture murale ou d’un collage. Un instant, car on voit que cette main est peinte ou collée sur un mur en métal, avec une caméra de surveillance, un digicode, une porte, un panneau « no smoking » et d‘autres indications de sécurité. Nous sommes vraisemblablement devant un entrepôt. Ce que peut confirmer le pylône jaune au premier plan qui indique « no parking ». Et ce qui nous amuse, c’est qu’une femme marche dans la rue, et qu’elle est saisie par le photographe pile au moment où elle passe entre le pouce et l’index de la main. On a l’impression que ces doigts immenses sont en train d’attraper la dame.
Alors, rien à voir avec le Coronavirus ? J’aimerai dire ça oui ... Et à vrai dire j’ai cherché, j’ai cherché des photos qui nous montreraient une autre réalité. Mais impossible d’y échapper. Même sur cette image amusante, la femme est masquée et gantée. Ce n’est pas une soignante, comme on dit, car elle a des baskets, des chaussettes qui arrivent à la hauteur des talons, un long manteau noir, les cheveux blonds remontés sur la tête en chignon… C’est une citadine en goguette. Mais elle applique les règles de sécurité. Et cette main nous donne l’impression d’être là pour trier les gens qui ont ou non les bonnes pratiques des gestes barrières. Il y a un contraste de couleur, la main est en noir et blanc la rue est en couleur. Il y a aussi un effet d’échelle. La main est immense et à côté la femme semble toute petite. On peut y voir du divin… C’est l’intention du photographe, c’est sûr. C’est lui qui s’est posé à la bonne distance, qui a attendu qu’une jeune femme passe pour faire sa photo. Mais l’artiste de rue… Pas sûr. En cherchant hier soir sur le site l’Agence France Presse, qui distribue et vend cette image, j’ai pu trouvé des éléments de réponse. On est à New York, dans le quartier de Midtown. Et l’on découvre que cette main est là depuis septembre 2018, bien avant l’apparition du COVID19 et de la crise sanitaire sans précédent que nous vivons. Un petit tour sur Twitter, et j’ai trouvé : c’est l’artiste JR qui a collé cette main sur la 7eme avenue à l’angle de 59eme rue. Et sur le site de l’AFP, on peut voir que le photographe Timothy A. Clary n’a pas réussi du premier coup son image. S’il a vu le potentiel d’une bonne photo, qu’il pouvait utiliser ce décor pour lui donner un sens lié à l’actualité, il s’est essayé à plusieurs cadrages – d’abord trop prêt, on ne distingue pas la main en entier. Et puis avec plusieurs personnages. Un homme à casquette bleue, une bande de copains d’une vingtaine d’année : seul celui qui porte un masque est saisi les trois autres marchent à côté, une femme enfin mais avec un parapluie, ça complique la scène. Finalement, il fallait pas mal de coopération : une femme seule qui marche au bon pas et sans accessoire ; un artiste de rue qui aime jouer avec les effets d’optique ; et un photographe patient qui sait attendre pour concrétiser sa bonne idée.
Chaque vendredi dans la Matinale RCF, David Groison commente une photo de presse.
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