Le couvent de la Tourette doit réaliser, en urgence, de nouveaux travaux, moins de quinze ans après sa précédente campagne de restauration. L'œuvre architecturale de Le Corbusier à Éveux (Rhône) a été construite entre 1956 et 1959 pour être le lieu de formation des frères dominicains de la province de Lyon. L'atrium, le pyramidion et la chaudière à gaz demandent des interventions rapides.
Le couvent de la Tourette a froid cet hiver ! Malgré d'importants travaux menés entre 2006 et 2013, des fissures génèrent des dégâts importants sur le site classé monument historique. Des infiltrations d'eau ont ainsi été constatées dans le bâtiment en béton armé inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2016. En cause notamment : une poutre en béton rajoutée en 1985 au niveau de l'atrium. Déjà restauré lors de la précédente campagne, ce petit monument au cœur même du couvent doit déjà être réparé. « La restauration ne s'est pas avérée complète et l'atrium a présenté des désordres dès le lendemain de la restauration » reconnaît frère Charles Desjobert, architecte du patrimoine et membre de la communauté. La toiture avait en effet été restaurée suite à des dégâts causés par sa végétalisation dans les années 1980. Mais face à la persistance du problème, la réflexion était en cours entre la dizaine de frères dominicains à vivre toujours sur place.
En effet, si les conséquences de ces fissures n'étaient pas visibles de l'extérieur, les infiltrations d'eau venaient corroder les fers à l'intérieur du béton armé, lequel finissait par exploser sous l'effet du gonflement des fers dû à la corrosion. Une déstructuration progressive « qui peut être très alarmante et complète de l'édifice » alerte l'architecte. Au printemps, un traitement sera appliqué aux aciers corrodés et l'étanchéité sera refaite, sans végétalisation et en supprimant la poutre en béton problématique, « de manière à pouvoir faire une intervention beaucoup plus pérenne et permettre à cet édifice de vivre plus longtemps. On va dérestaurer d'une certaine manière » explique le frère Charles.
Mais l'atrium n'est pas la seule urgence au couvent de la Tourette. Le pyramidion souffre lui aussi de fissures. Ce petit bâtiment composé d'un cube surmonté d'une pyramide et porté par une croix est l'oratoire des frères étudiants. Œuvre majeure dans l'histoire de l'architecture, l'édifice remarqué par l'architecte japonais Tadao Ando est lui aussi très abîmé. « Il avait été traité avec une résine très plastifiée à une époque, ce qui entraînait un rendu pas très heureux. On avait l'impression d'avoir une finition de piscine sur la toiture du Pyramidion. Cette étanchéité a été retirée. Mais de fait, on constate aujourd'hui des fissures assez importantes » explique frère Charles. Ces deux éléments doivent être traités rapidement mais le budget manque « parce qu'on fait des études assez complètes pour avoir un traitement de qualité » précise l'architecte. Ces fissures et leurs conséquences sont aggravées par le froid et les pluies de l'hiver rhodanien. En effet, outre la dizaine de frères dominicains qui vit à l'année au couvent, le site accueille depuis les années 1970 des hôtes, attirés tantôt pour des raisons spirituelles - pour une retraite ou un temps de prière - tantôt pour des raisons architecturales ou de design, « mais qui sont ensuite portés et séduits par ce lieu tout à fait unique dans un cadre assez étonnant et très végétalisé » assure le religieux.
Et pour cause, la Tourette est entourée d'un parc de 70 hectares. Or, le bâtiment est impossible à isoler de l'extérieur sans risquer de le défigurer alors que les Dominicains font face à de véritables enjeux « pour permettre de le chauffer de manière la plus responsable possible, durable, écologique, en même temps en permettant d'avoir chaud dans le bâtiment, ce qui est essentiel » concède frère Charles. Après le mazout dans les années 1960 et le gaz depuis les années 1990, une nouvelle source d'énergie plus durable est recherchée pour la chaudière et le chauffage central, avec l'objectif de faire baisser une facture « qui a explosé il y a un an et demi, deux ans ».
Pour financer ces trois chantiers estimés à 800 000 €, un appel aux dons a été lancé dès l'été 2023. Face à l'urgence de la situation, les travaux de l'atrium sont prévus dès les mois de mars ou d'avril 2025 et une partie des fonds a déjà été collectée pour financer ce projet. Le couvent de la Tourette bénéficie également de subventions, notamment de la DRAC « mais on sait aujourd'hui aussi que l'État a du mal à abonder fortement, dans le domaine de la culture, notamment, et du patrimoine. Donc, c'est d'autant plus nécessaire que chacun et chacune puisse, s'il le peut, nous aider à tenir et à faire vivre ce lieu » assure le prêtre. À défaut, le site devra souscrire à des emprunts bancaires « et on sait aussi que les emprunts, c'est quelque chose de très engageant ». Si l'accueil se fait encore actuellement dans de bonnes conditions, « plus on attend, plus les choses se dégradent » déplore le dominicain qui craint de devoir « les retarder [les travaux, NDRL] tant que les sommes ne sont pas là ».
Un fonds de dotation a été monté pour recueillir les dons, déductibles des impôts pour les particuliers (66 %) comme pour les entreprises (60 %). En attendant, le couvent de la Tourette continue de se visiter et de proposer des retraites et des conférences pour découvrir le trésor de ce bâtiment « qui, de premier abord, parfois est un peu rude ».
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