En 2020, les Français avaient déjà fait l’expérience d’un vote en pleine épidémie de Covid-19. Un an après les municipales, les choses n’ont pas tant changé : la vaccination progresse, et le nombre de cas positifs baisse depuis plusieurs semaines. Mais la campagne électorale des régionales et départementales a tardé à démarrer. C’est seulement le 13 avril dernier que le Premier ministre a confirmé les dates du scrutin, et que Jean Castex a précisé certaines modalités d’organisation : pas de grand meeting, une campagne dématérialisée, des dérogations pour que quelques militants puissent se déplacer au-delà de 10 kilomètres… Des conditions qui n’ont pas vraiment aidé certains candidats peu connus du grand public à émerger.
Alors qu’au contraire, les présidents de région sortants ont plutôt profité de la situation sanitaire. "Les régions, étant dotées de compétences un peu floues, peuvent se saisir de politiques publiques lorsque cela leur paraît opportun, observe Simon Persico, professeur à Sciences Po Grenoble. Donc, les présidents de région se sont saisis de la crise sanitaire pour être très actifs et visibles. Dans les vaccinodromes, par exemple, les logos de la région apparaissaient en gros, c’est une façon de valoriser leur bilan."
La dynamique s’est d’ailleurs confirmée lors du premier tour des élections, dimanche 20 juin : beaucoup de présidents sortants ont obtenu de bons scores dans la plupart des régions. "Lorsque des panneaux mettent en avant le soutien financier d’une région, ça n’est pas faire campagne, précise Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste et professeur de droit public à l’université de Lille. Par contre, si vous transformez la région par le nom du président, on n’est plus forcément dans les clous. Se pose aussi la question de la temporalité des campagnes d’affichage : 15 jours avant l’élection ou bien plusieurs années avant. Mais globalement, on est dans le jeu politique, les responsables ont le droit et le devoir de valoriser leurs actions. S’il y a des doutes, c’est au juge de trancher."
Quoi qu’il en soit, l’épidémie a donc eu des conséquences sur la campagne électorale. Et sans doute, aussi, sur la participation des citoyens. "Ce n’est pas la seule explication, mais elle a joué son rôle dans un contexte où il était difficile de mobiliser les électeurs", estime Bruno Cautrès, chercheur au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof).
Malgré tout, d’après une enquête réalisée par Ipsos/Sopra Steria, la crainte du Covid-19 n’arrive qu’en cinquième position dans la liste des raisons invoquées par les abstentionnistes. Loin derrière le sentiment que ces élections régionales et départementales ne changeront rien à leur quotidien, ou bien que les candidats ne leur correspondent pas. La situation sanitaire ne justifie donc pas, à elle seule, le record d’abstention enregistré à plus de 66 %, au premier tour des élections régionales et départementales. "Ce qui est certain, c’est que lors des municipales, on voyait un effet très clair de l’épidémie sur l’abstention car les personnes âgées s’étaient – pour se protéger – beaucoup moins mobilisées que d’habitude, souligne Simon Persico. Cette fois, elles ont davantage voté par rapport aux jeunes. Cette différence n’est pas liée au Covid mais à des logiques de mobilisation classiques, qui font que les personnes les plus âgées sont les plus insérées dans le système politique, alors que les jeunes s’en éloignent de plus en plus."
Néanmoins, l’abstention aurait sans doute pu être limitée en adaptant le système électoral. C’est en tout cas ce que pense Romain Rambaud : "La France s’est caractérisée par sa faible adaptation au contexte épidémique, qu’il s’agisse des modalités de vote ou des campagnes électorales, soutient le professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, et spécialiste de droit électoral. Beaucoup de pays en Europe ont maintenu des taux de participation satisfaisants pendant la période du Covid. Il ne faut pas rendre les Français responsables de l’abstention puisque, pour beaucoup, c’est une absence de volonté des pouvoirs publics de s’adapter à la situation qui a créé cette abstention." Plusieurs solutions sont donc envisagées pour l’avenir : vote par correspondance, vote sur Internet ou encore seuil minimum de participation pour valider une élection.
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