À moins de deux mois de l'élection présidentielle, RCF poursuit son tour des régions en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Direction le Vaucluse, où l'artificialisation des sols menace les terres agricoles.
"Présidentielle : la voix des régions", c'est une série d'émissions spéciales à l'occasion de l'élection présidentielle pour donner la parole aux Français. Du 31 janvier au 8 avril, durant six semaines spéciales, des journalistes du réseau RCF vont sillonner six grandes régions françaises à la rencontre des citoyens, pour entendre leur voix sur des sujets essentiels de la campagne.
Du 21 au 25 février, la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur est à l'honneur. Chaque jour dans la Matinale RCF, découvrez un reportage de 7 minutes (à 7h12). Rendez-vous le vendredi 25 février pour une matinée spéciale (de 6h30 à 11h) en direct de Gap.
Ils se disent "zapatatistes", et ne défendent pas une ZAD mais une "ZAP", pour "zone à patates". Depuis novembre, une quinzaine de militants squatte quatre maisons pour protester contre le projet d'extension d'une zone d'activités économiques. Elle s'étalerait sur 86 hectares de terres agricoles fertiles. "Si l'on instaure un rapport de force suffisant, on peut arrêter ce projet, veut croire Gavroche, l'une des militantes. On lutte, plus globalement, contre l'accaparement des terres, qui commence à réunir de nombreuses mobilisations locales."
Sur quelques parcelles, les "zapatatistes" ont planté des pruniers, des pommiers, des fèves et du blé. Ils vont aussi replanter des pommes de terre. Certains sont "gilets jaunes", d'autres issus de différentes classes sociales. Mais tous partagent une vision "anticapitaliste, si on schématise", résume Gavroche. Tous s'opposent aussi au maire de Pertuis, qui prévoit d'utiliser 30 des 86 hectares de la zone économique pour sa propre entreprise. Contacté, Roger Pellenc n'a pas pu se rendre disponible pour nous répondre. Dans la presse locale, il estime que cette extension sera bénéfique pour l'emploi du territoire.
Mais l'agriculture, pourtant indispensable à l'économie du Vaucluse, pourrait pâtir de cette artificialisation des sols qui ne cesse de croître : elle concerne aujourd'hui 15% des terrains du département, contre 10%, en moyenne, dans la région, et 8% sur l'ensemble du territoire français. Entre 1990 et 2018, la perte de surfaces agricoles est de 18% dans le Vaucluse, et 19% des exploitations locales ont disparu.
Pour tenter de freiner ces chiffres, les collectivités s'organisent : avec l'aide des acteurs locaux - et notamment de la Métropole Aix-Marseille où Roger Pellenc est conseiller -, une couveuse agricole a vu le jour à Pertuis, à quelques kilomètres de la "ZAP". "Des agriculteurs peuvent venir lancer leur projet pendant trois ans, explique Frédéric Olive, directeur de l'incubateur d'entreprises Cosens, gestionnaire de cet espace. Ils sont juridiquement supportés par Cosens, et ils ont accès à toute la logistique nécessaire : 5 hectares de terres bio, des serres, des outils."
Les sept agriculteurs actuellement présents paient 80 euros par mois pour bénéficier de ces services. "Je ne me sens pas armé pour m'installer directement à mon compte", témoigne François. Conscient des difficultés qui l'attendent pour trouver un terrain, le futur maraîcher bio dit se "questionner sur l'intérêt de bétoniser davantage encore la zone". "Il est temps de changer de modèle agricole, estime-t-il. On a besoin de plus d'agriculteurs, peut-être sur de plus petites surfaces."
C'est effectivement l'une des hypothèses avancées par Jean-Noël Consalès : "On a besoin de logements, donc on a besoin de construire, rappelle le maître de conférences en urbanisme, aménagement du territoire et géographie à l'Université d'Aix-Marseille. Mais on a aussi besoin d'avoir une alimentation locale de plus en plus implantée. Cet arbitrage appelle aux projets : comment inventer de nouvelles formes urbaines, qui mixent les usages ? Qui dit transition, dit réinscrire à l'échelle locale une agriculture moins ancrée sur des standards de plus en plus désuets, avec des exploitations plus petites."
En attendant, les "zapatatistes" comptent poursuivre leur lutte. La prochaine étape, ce sera à partir du 4 avril, avec la fin de la trêve hivernale. À partir de cette date, ils seront expulsables à tout moment.
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