À dix jours du scrutin, cet universitaire spécialiste des relations internationales est "combatif mais lucide" quant à la place de l’Europe. Et surtout face à une jeunesse qui ne semble pas voir les grands défis actuels.
Issue d’une famille qui a vécu la Shoah lors de la Seconde Guerre Mondiale, l’Europe représente, pour lui, la liberté. "On la perçoit que quand on ne l’a plus", explique Dominique Moïsi. Expliquer à des jeunes, l’importance de ce sentiment lorsqu’ils n’ont jamais vécu ce manque-là, est très compliqué.
L’auteur estime que la montée des populismes n’est pas uniquement due à cet oubli du goût de la liberté mais surtout à l’échec de la démocratie classique. "On n’est pas arrivé là par hasard".
Les causes seraient directement liées aux gouvernements eux-mêmes pour Dominique Moïsi. "Ils ont choisi des représentants pour l’Europe en fonction de leurs limites et pas en fonction de leur mérite. On a pris, souvent, les plus médiocres pour être sûr qu’ils ne soient pas des rivaux dans d’autres élections".
Elle a été créée pour fédérer les États et éviter les conflits qui ont détruit le monde. "L’Europe c’est la garantie qu’on ne va pas revenir aux erreurs commises dans le passé" analyse l’auteur.
Même s’il reconnaît "que les valeurs qui ont fondé l’Europe hier ne paraissent plus adapté aux défis auxquels elle fait face aujourd’hui". L’objectif des États membres était avant tout de se fédérer pour se reconstruire en 1945. Mais aujourd’hui, c’est faire face à des défis qui demandent une ouverture, encore plus grande, de l’Europe.
La démarche n’est pas nouvelle. À la fin des années 30, face à la montée du nazisme, toute une génération d’historiens "a redécouvert les Lumières comme une forme de protection" explique-t-il. Les valeurs chrétiennes, comme la tolérance ou le respect de l’autre ont contribué à façonner l’Europe au fil des années.
Ce qui manque à l’Union, c’est la solidarité entre les peuples. "La question des migrants a montré à quel point nous étions prisonniers de nos égoïsmes". Fort de sa construction issue d’un passé douloureux, avec un certain esprit des Lumières, l’Europe est devenue une figure mondiale importante. Une histoire forte qui ne faut pas oublier. "La mépriser c’est se retrouver face à elle" conclut Dominique Moïsi.
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