Trois semaines après la rentrée, des parents de la Manche restent confrontés au refus de l’administration de faire l’école à la maison. Selon le collectif pour l’instruction en famille du département, 22 dossiers ont été refusés ou sont en attente, un durcissement qui résulte de la loi séparatisme de 2021. Pourtant la plupart des familles concernées ont un enfant aîné qui bénéficie encore de l’autorisation.
L’été a été compliqué pour plusieurs familles de la Manche. La rentrée passée, l'incertitude demeure. C’est le cas de Cindy qui a reçu fin juillet un refus pour sa fille de trois ans. « Depuis 2020, on fait l’instruction en famille pour notre aînée qui a 9 ans. On a des contrôles positifs de l’Éducation Nationale tous les ans et tous les deux ans de la mairie, on est déjà des familles très contrôlées. Imaginez la situation, on a le droit pour l’aînée et on n’a pas le droit pour la deuxième. » Selon le collectif pour l’instruction en famille de la Manche, sur les 23 familles ayant déposé une demande pour motif 4 ( voir explication ci-dessous), une seule a reçu une autorisation.
L’académie de Normandie de son côté ne veut pas donner de chiffres. « Le taux de refus des dossiers d’instruction en famille dans l’académie se situe dans la moyenne nationale. On peut même noter une progression du nombre d’enfants instruits dans la famille, qui est passé d’environ un millier en 2019-2020 à plus de 1300 en 2022-2023. » Mais ce chiffre est à relativiser puisque c’est aussi pendant cette période que l’école est devenue obligatoire à partir de 3 ans.
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, autrement appelé communément la loi séparatisme, a instauré un régime d’autorisation pour l’instruction à domicile. Quatre motifs peuvent être évoqués : l'état de santé de l'enfant ou un handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, une itinérance ou l'éloignement géographique de la famille, ou bien « l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif spécifique, à condition que les personnes chargées de son éducation justifient de leur capacité à assurer l'instruction en famille ». C’est bien ce quatrième motif qui pose problème. Qu’entend-on pas situation propre ? « Dans les débats parlementaires sur la loi de 2021, il avait été dit clairement que chaque enfant avait une situation propre », rappelle Cindy.
« Ce motif renvoie à des situations qui doivent être très précisément justifiées par la famille et relever de la seule situation propre de l'enfant. Il ne peut en effet pas correspondre au seul choix de la famille mais viser uniquement l’intérêt de l’enfant et garantir le respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société. C’est sur ce point qu’il peut y avoir dans certains cas des différences d’appréciation avec les familles », explique de son côté l’Académie de Normandie.
« Cela fait 4 mois qu’on attend une réponse pour savoir si on a le droit de continuer l’instruction en famille pour notre enfant. » Cindy s’insurge contre le flou administratif dans lequel les familles se trouvent. « En cours de route les règles changent, au début l’absence de réponse valait acceptation maintenant silence vaut refus ». Comme elle, plusieurs parents ont déposé un recours administratif d’autorisation préalable très détaillé. Ils attendent toujours la réponse de la commission académique.
Ce n’est pas juste l’instruction en famille qui est remise en question, on donne tout pouvoir à l’administration de décider ce qui est bon pour l’enfant ou pas.
En cas de refus confirmé par la commission académique, les familles pourront saisir le tribunal administratif, en demandant un référé-suspension pour que l’enfant n’aille pas à l’école en attendant le jugement sur le fond. Le dossier est donc loin d’être terminé.
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