Liban
Le Liban est aujourd’hui secoué par une grave crise économique, venue s’ajouter à la crise sanitaire du covid et aux dégâts matériels et psychologiques de l’explosion du port de Beyrouth en août 2020. Dans ce contexte, comment continuer la mission éducative pour les enfants libanais ? Illustration avec le rôle joué par les écoles chrétiennes au pays du Cèdre.
Pays multiconfessionnel où l’État se fait plus remarquer par son degré de corruption que par son action, le Liban doit aujourd’hui faire face à plusieurs défis sur le plan éducatif. Les écoles sont confrontées depuis quelques années à l’arrivée massive d’enfants réfugiés syriens, mais aujourd’hui, avec l’inflation galopante, les établissements doivent faire face à la démission d’enseignants voire au départ de certaines familles vers l’étranger. Avec en toile de fond : l’importance du système éducatif comme ciment de la nation libanaise. Dans ce pays où chacun se définit par sa confession religieuse, inscrite sur sa carte d’identité, la notion de citoyenneté a parfois du mal à émerger. Pour autant, les laïcs et le clergé chrétiens se mobilisent, tant dans les universités que dans les écoles.
Selon le père jésuite Salim Daccache, recteur de l’université catholique Saint-Joseph de Beyrouth, « l’Église catholique ose parler de citoyenneté », une gageure, dans un pays où « malheureusement, l’immense majorité des politiciens libanais font des citoyens des clients et non pas des sujets libres. Or l’éducation chrétienne vise à construire la personnalité libre du citoyen. »
Un vivre-ensemble expérimenté à l'école
Cette sensibilisation aux enjeux de citoyenneté commence dès le plus jeune âge. Exemple dans le quartier de Bourj Hammoud, l’un des plus pauvres de la capitale libanaise. A l’école Saint-Joseph, le directeur, le Père Edia Bounis, accueille 113 enfants libanais, éthiopiens, syriens, égyptiens et palestiniens. Le simple partage d’une salle de classe est un premier pas dans l’apprentissage du vivre-ensemble selon lui. Au-delà des mots, le partage du quotidien est « un message ». Le chef d’établissement cherche à transmettre des notions d’intégrité et d’authenticité à ses jeunes élèves, « qu’ils aient le courage de dire non » aux problèmes qui les entourent dans ce quartier beyrouthin : « alcoolisme, violences et abus domestiques, drogue, prostitution ». Le Père Bounis voit son poste comme une « mission : je ne suis pas directeur ici, je suis au service ».
Et les enfants dans tout ça, comment réagissent-ils ? Christiane Roukoz est membre du comité de jumelage inter-diocésain Lyon-Antélias et catéchiste à l’école Jesus and Mary à Cornet Chahwan, située à une quinzaine de kilomètres de Beyrouth. Elle estime que les enfants ont besoin qu’on leur montre « une lueur d’espoir » dans ces moments difficiles pour le Liban. Elle constate dans les expressions, les modes de communication, que les jeunes ont de plus en plus besoin d’avoir des « endroits paisibles » où se ressourcer « pour qu’ils grandissent », alors que souvent, à la maison, ils subissent au quotidien le stress de leurs parents.
Des défis communs entre la France et le Liban
Une délégation du diocèse de Lyon s’est rendue au Liban au mois de mai 2022, dans le cadre du jumelage entre les diocèses de Lyon et le diocèse maronite d’Antélias. Même si les difficultés et les cultures ne sont pas les mêmes, certaines problématiques sont partagées dans le secteur éducatif, comme l’a constaté Philippe Paré, directeur de l’enseignement catholique pour le diocèse de Lyon : « Il y a au Liban un risque de déconstruction systématique, qui vient toucher l’identité du peuple libanais. J’observe qu’en France, il y a aussi une déconstruction systématique, plus intérieure, plus idéologique, qui paraît moins menaçante mais qui existe aussi. Et quand j’observe les chrétiens libanais qui souhaitent, par l’intériorité, préserver leur identité et la faire partager à tous, je me dis que c’est la mission de l’Enseignement catholique aujourd’hui en France : par l’intériorité, par la prière, par le désir d’être au service de tous, d’être au service aussi de l’identité de ce qu’est la France. »
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