Ce dernier est assuré d’être réélu à la tête de l’Etat égyptien. "C’est un militaire, un général devenu maréchal au moment de son élection, qui gouverne l’Egypte d’une main de fer. Il est tout puissant, pour le moment du cas. C’est un nationaliste fervent, un musulman pratiquant. Il tient à maintenir l’Etat égyptien dans une région où les Etats s’effondrent les uns après les autres" explique Robert Solé, journaliste et écrivain franco-égyptien.
Abdel Fattah al-Sissi s’inscrit véritablement dans une tradition égyptienne. "L’Egypte est gouvernée par l’Armée depuis 1952. Il y a eu Nasser, Sadate, Moubarak. Des militaires devenus des civils. Aujourd’hui, l’Armée c’est un Etat dans l’Etat. Elle est omniprésente dans tous les secteurs d’activité. Elle s’occupe de tout" ajoute le journaliste.
On a comparé Al-Sissi à Nasser. Il se réclame lui-même de ses prédécesseurs Nassert et Sadate. "Mais il n’a pas la même stature que Nasser. C’était non seulement le président de l’Egypte, mais également le leader du monde arabe. Ce qui n’est pas le cas de Sissi qui a suffisamment à faire dans son pays pour ne pas s’occuper de ses voisins. L’Egypte est un pays de 100 millions d’habitants qui a un gros problème démographique. Au rythme actuel, elle doublera en trente ans. C’est un pays vaste, qui a des ressources, qui est riche, mais la population est concentrée sur une toute petite partie du territoire et la croissance économique ne suit pas la croissance démographique" nuance l’écrivain.
Depuis sa prise de pouvoir après le printemps arabe et le départ de Moubarak, on peut mettre plusieurs choses à l’actif du président Sissi. "Les Egyptiens le reconnaissent, ils estiment que Sissi les a débarrassés aux Frères musulmans, qu’il a maintenant l’Etat dans une région où les Etats s’effondrent. Il a réalisé une ou deux choses importantes : le doublement d’une partie du Canal de Suez et il est en train d’installer une nouvelle capitale administrative à 40 km du Caire" analyse encore Robert Solé.
Malgré son régime autoritaire, Al-Sissi est donc convaincu d’être réélu. "Ce n’est pas une élection, c’est un plébiscite. Il est seul. On est allé chercher au dernier moment un illustre inconnu qui s’est dévoué pour être candidat contre Al-Sissi. Il a tout fait pour éliminer les candidats potentiels. Il est seul en lice. La seule question aujourd’hui est de connaître le taux de participation. Elle était de moins de 50 % il y a quatre ans. Cela sera aussi un test. Mais il n’y a pas d’enjeux" lance Robert Solé.
Ce dernier explique que les soutiens du maréchal Al-Sissi sont ceux qui ont eu très peur des islamistes au lendemain du printemps arabe. "Parmi eux, il y a la communauté copte, les chrétiens d’Egypte qui reconnaissent à Sissi de les avoir débarrassés des Frères musulmans avec des méthodes très contestables bien sûr. Et puis Sissi a fait des gestes envers les chrétiens. Il est allé plusieurs fois à la cathédrale copte. Cela n’a pas toujours été traduit par des mesures effectives mais le principal atout de Sissi est qu’il n’y a pas d’alternative en Egypte. On a fait le vide. Il n’y a que l’Armée ou les islamistes" rappelle le journaliste.
Indépendamment de ce contexte, Robert Solé rappelle que la Constitution égyptienne est, sur le papier, presque impeccable. "Il y a toujours cet article deux qui rappelle que le droit égyptien s’inspire du droit musulman, ce qui n’a pas de sens dans un pays qui ne compte pas que des musulmans. Mais cette Constitution est très peu appliquée. Il y a toujours des arrestations arbitraires, une absence de liberté, et un islam conservateur qui s’est infiltré dans tous les rouages de la société" rappelle-t-il.
Aujourd’hui, conclut Robert Solé, les Egyptiens se rendent aux urnes dans "un certain désenchantement. Pour la plupart des Egyptiens, c’était mieux avant 2011. Les libertés étaient loin d’être totales mais elles étaient plus importantes qu’aujourd’hui. Il y avait le tourisme, le pays se portait mieux, indiscutablement".
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