Au lendemain des élections législatives italiennes, qui n’a finalement dégagé aucune majorité pour gouverner le pays, c’est l’incompréhension et la crainte qui règne de l’autre côté des Alpes. Michela Marzano, philosophe, chercheur au CNRS, ancienne parlementaire italienne, avoue être "effondrée à cause des résultats. Ce n’est pas uniquement une question de défaite du centre-gauche qui n’a pas été la hauteur des attentes des gens. Mais quand je me réveille le matin et que je me dis que dans mon pays ce sont deux forces populistes qui ont gagné, la Ligue xénophobe et le mouvement Cinq étoiles, une autre force populiste, je me dis qu’il y a vraiment quelque chose qui se passe".
Malgré cette déception, Michela Marzano reconnaît ne pas être étonnée de ces résultats. "Ces derniers jours, j’étais en Italie et les gens étaient dans une très grande colère, contre le gouvernement actuel, et puis dans une sorte de volonté anti-système. L’idée que l’élite est par définition nécessairement pourrie, qu’il faut tout balayer, et recommencer de zéro. Je suis un peu énervé des gens de mon propre parti qui n’ont pas voulu entendre ce cri de douleur. Je suis en colère contre le secrétaire du parti démocrate, Matteo Renzi, qui a cru pouvoir faire comme si tout allait bien" ajoute-t-elle.
Ce dernier, quand il est arrivé, au pouvoir, avait pourtant suscité un certain espoir, même au niveau européen. "Bien sûr. Je l’ai appuyé, je n’avais jamais fait de politique. Je pensais que Matteo Renzi aurait pu incarner le renouveau. Il a été investi par une très grande confiance. En 2014, au moment des élections européennes, il a eu 40 %. Or depuis 2014 jusqu’à aujourd’hui, il a perdu 20 %. Il a trahi cette confiance. Il a fait comme tous les hommes politiques qui l’ont précédé. Il a promis des choses qu’il n’a pas tenues par la suite. C’est la trahison de la parole donnée" précise Michel Marzano.
Les deux vainqueurs de l’élection sont donc deux mouvements populistes. Des mouvements radicalement différents. "La Ligue est un parti qui fait partie de la coalition du centre-droit, et c’est un parti très xénophobe. C’est l’extrême droite, et il y a des liens très forts avec le Front national. Il se revendique en tant que tel. Pendant toute la campagne électorale, l’étranger était désigné comme le bouc émissaire. Le mouvement Cinq étoiles est très différent, tout en étant populiste. Il ne se revendique ni de droite ni de gauche. C’est une sorte d’effacement de toute sorte d’idéologie. A l’intérieur, il y a des positions très disparates. On se retrouve face à un mouvement qui ne se positionne pas clairement face à plusieurs questions importantes, ce qui rappelle la France insoumise, même si ce n’est pas si clairement marqué à gauche" analyse l’ancienne parlementaire italienne.
Deux mouvements très différents qui ne pourraient pas s’allier. "La Ligue n’acceptera pas de s’allier avec le mouvement Cinq étoiles, qui est à lui tout seul le premier parti, et qui a présenté la formation du gouvernement, et qui considère que toute forme d’alliance doit passer par l’acceptation totale de sa propre position. Or la Ligue a un message de droite qui est très marqué, et qui ne va pas accepter le fait de nuancer ses positions par rapport aux migrants" lance Michel Marzano, qui ne croit donc pas à une alliance entre ces deux formations politiques.
Cette dernière ajoute qu’il ne devrait rien se passer dans les prochains jours. "Il faut attendre encore un mois. Mon espoir est que l’on arrive à avoir une entente entre le mouvement Cinq étoiles et le centre gauche. Il faudrait que Mateo Renzi puisse accepter la possibilité de créer un lien avec Cinq étoiles même si évidemment ce n’est pas son choix. Il ne veut pas d’alliance avec Cinq étoiles. Il ne veut pas que sa personne soit remise en question. Mais c’est de l’Italie dont il est question. Veut-il lâcher le pays dans les mains de l’extrême droite ou veut-il essayer de sauver ce qui peut encore l’être en Italie ? C’est vraiment un tournant parce que les partis traditionnels ne sont plus là et quelque chose de nouveau est en train d’arriver" précise Michela Marzano.
Plus largement, la philosophe rappelle que l’Europe a une très grande responsabilité dans la débâcle des partis traditionnels italiens. "Je crois que c’est la défaite de l’Europe. Elle attendait que le résultat du vote soit un peu le même que ce qu’il s’est passé en Allemagne, chose qui ne s’est pas produite. Il y a une responsabilité de l’Europe au niveau économique, une politique qui n’a pas été une politique de croissance et puis tant que la question des migrants ne sera pas abordée au niveau européen, il y a des pays qui vont décrocher car ils se sentiront abandonnés" conclut-elle.
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