« Dans les ténèbres, la porte de fer du cachot s’ouvre soudain et le grand inquisiteur paraît, un flambeau à la main. Il est seul, la porte se referme derrière lui. Il s’arrête sur le seuil, considère longuement la Sainte Face : « C’est Toi, Toi ? » Ne recevant pas de réponse, il ajoute rapidement : « Ne dis rien, tais-toi. D’ailleurs, que pourrais-tu dire ? Je ne le sais que trop. Tu n’as pas le droit d’ajouter un mot à ce que tu as dit jadis. Pourquoi es-tu venu nous déranger ? Car tu nous déranges, tu le sais bien (…) As-tu donc oublié que l’homme préfère la paix et même la mort à la liberté de discerner le bien et le mal ? (…) Nous les persuaderons qu’ils ne seront vraiment libres qu’en abdiquant leur liberté en notre faveur. »
C’est par ces mots, magnifiques et de tous les temps, de Dostoïevski dans la légende du grand inquisiteur des Frères Karamazov, que nous avons ouvert notre journée hier à la CORREF pour les responsables d’instituts religieux, sur l’abus de pouvoir, l’abus spirituel et l’emprise, avec des personnes qui ont été victimes de ces abus dans des communautés.
Deux personnes victimes d’abus spirituels et d’emprise ont su raconter combien alors qu’elles étaient venues suivre le Christ, aimer davantage, elles se sont retrouvées dans un piège mortifère. « Quelque chose de l’ordre de la mort avait été semé dans mon âme et de ma personne tout entière.”
Combien c’est d’une tromperie, d’une imposture dont il s’agit. Un abus qui fait croire que l’on est là pour sauver l’Église et le monde, nouvelle armée d’élites. Avec cette alternance entre humiliations et gratifications, être considérés comme nuls et faire partie du peuple des élus.
La vie évangélique peut toujours être falsifiée ; au lieu de dilater la vie, les abus de pouvoir et spirituel chosifient Dieu et transforment en soumission servile et silencieuse la puissance du mouvement de la vie en Dieu.
En tout cela, nous sommes tous embarqués. Grandir en liberté, en responsabilité, se former, débattre sont pour toutes nos communautés chrétiennes si nous voulons que ce soit bien de l’Évangile dont elles sont le signe, celui d’un Dieu qui rend chacun auteur de sa vie, vivant pour et en faveur de tous.
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